jeudi 25 décembre 2008

Joyeux Noël

Ahhhhhhh, déjà jeudi!!
Je m'étais promis de bloguer sérieusement cette semaine mais tout va trop vite!
À peine débarquée de l'avion, le resto, les chums de filles, les chums de poker, l'électro dans le tapis, les amis, la familles, quelques petits cadeaux, une virée à la bibliothèque de l'UQAM pour préparer mes cours d'université de la session qui commence en janvier, dormir un petit peu (dormir?) et puis on est déjà jeudi...
Déjà!!??!!
C'est la que je me rends compte comment le rythme de ma vie à Quaqtaq est différent, que la solitude permet certaines routines que la foule, surtout la foule dont il faut profiter dans un court laps de temps, n'accorde pas.
Gros becs et Joyeux Noël!!

jeudi 18 décembre 2008

Épisode 25 Solstice d’hiver

Levée du Soleil. 8 :49. Coucher du Soleil. 14 :22.

Comme dans la file en attendant sa place dans un manège monstre de la Ronde, j’étais à la fois super excitée et excessivement terrorisée de vivre la grande noirceur. C’est impressionnant et encore plus difficile que je ne le croyais. C’est physique, le combat contre le sommeil qu’inspire la longue nuit.

Je me lève, il fait noir. Normal, je suis une lève-tôt. Alors pas de problème : j’en profite pour me mettre devant l’ordinateur et pianoter un petit peu. J’attends avant de me mettre en mode de jour.

Je me fais un (premier) café, il fait noir. Encore une fois, ça peut encore passer, tout dépend de l’heure où on fait ledit café… mais quand vient le temps du deuxième, ça serait la moindre des choses de voir quelques rayons à l’horizon. Et bien non!

Je me prépare pour aller enseigner, il fait… et oui, il fait noir! Pas le choix, faut y aller!

J’arrive tôt à l’école, pour profiter du photocopieur surexploité aux autres heures de la journée et je me dois d’allumer toutes les lumières de la salle des profs, de la salle d’informatique et de ma classe malgré ses immenses fenêtres… C’est encore la nuit.

Puis le matin.

Un faible Soleil à l’azimut. Quelquefois affaibli par une masse nuageuse qui cache les précieux rayons du jour. Certains jours, on a carrément l’impression qu.il n’y a pas de Soleil, comme l’après-midi de mes photos.

Puis, re-la-nuit.

Avoir à allumer les lumières de la classe en avant-dernière période parce que le soir tombe, c’est particulier. Rentrer et s’écraser quelques minutes en ayant la nette impression que c’est la nuit, c’est spécial. (Mais ça à le net avantage d’enlever toute culpabilité à avoir le goût de faire une sieste avant souper!)

Je comprends maintenant pourquoi, dans les maisons, il y a tant de plafonniers avec des ampoules hyper puissantes. C’est nécessaire! Certaines personnes ont avec eux des lampes solaires pour tromper leur corps et lui donner de l’énergie lumineuse artificielle. Je n’ai jamais considéré cet investissement. Je n’ai avec moi qu’un tube d’autobronzant qui donne bonne mine tout aussi artificielle à défaut de vitamine D. Les vitamines, j’en ai en pilules, les oméga 3, en gélules. Et malgré tout, c’est difficile.

Les Inuit ont traditionnellement beaucoup plus de sagesse par rapport à la grande noirceur : ils ne combattent pas le sommeil qui les attend. En fait, comme plusieurs peuples au diapason avec la nature, le sommeil est une fonction vitale qui ne doit pas être forcée. Quand on est fatigué, on dort. Quand on a fini de se reposer, on se réveille. Quand il fait trop noir pour chasser, on arrête.

Sauf que quand on continue à élever les enfants dans cet esprit là et que l’école commence à 9 h (aussi bien dire aux aurores!), ça donne quelques fois de drôles de résultats. Ce matin, je pensais écouter un film avec mes élèves, en récompense de leur bon travail des dernières semaines. Entrent en baillant aux corneilles, comme toujours. S’écrasent sur deux pupitres plutôt qu’un seul, comme toujours. En prime, ce matin, deux des trois élèves en classe se sont carrément endormis quand j’ai mis le DVD…Et je ne crois pas que ce soit mon choix de film…

Entre tradition, environnement extrême et obligations des horaires du monde occidental, il y a raison d’être un peu étourdi. Et tout le monde le sait, quand on est dépassé par les évènements, vaut mieux se reposer un peu. Après tout, la nuit porte conseil!

La nuit, il y en a beaucoup ici, en hiver.

***

Je quitte pour Montréal samedi matin pour 2 semaines de congé au « sud ».

J’ai très hâte de revoir ma famille et mes amis.

J’espère continuer à bloguer le jeudi comme d’habitude. Prochain épisode à Montréal donc. À bientôt, j’écrirai à la lumière du jour plus long (!) et dans la congestion routière! Oh, je m’ennuie un peu de lumières de circulation, des Tim Horton à tous les coins de rue, des coins de rues aussi, des cinémas, des boîtes de nuit… Ah, la musique électronique dans le tapis à 6 h! Ça va me faire changement du silence de la toundra et des quelques réveils en sursaut dus aux courses de skidoo dans le village en pleine nuit!

jeudi 11 décembre 2008

Épisode 24 Esprit des fêtes, es-tu là?

On était à peine entré en classe que mes élèves me demandaient déjà si je restais à Quaqtaq pour le temps de fêtes. Paraît-il que ce sont les plus belles célébrations de l’année! Il y a des spectacles, des danses, des grosses bouffes collectives, des compétitions de toutes sortes de jeux à l’extérieur. La municipalité orchestre le tout. Le monde est heureux, à Noël à Quaqtaq! Les jeunes avaient l’air presque déçu, alors qu’on se connaissait à peine, que je leur dise que je vais retourner voir ma famille et mes amis à Montréal, le 20 décembre.

Avec les semaines et les mois, malgré toutes les fois où je me fais traiter de « lukuapik » (c'est-à-dire « exigeante » en inuktitut) ou de « Marie Aboum-plate » (de tous les surnoms qu’on m’a donnés comme enseignante, c’est la première fois que je l’entends celui-là!), ils me demandent encore si je reste à Noël. « Ta famille, tes amis, ils peuvent venir à Quaqtaq, ils vont faire la fête aussi! Le plancher du gymnase de l’école tremble tellement on danse, c’est le fun!». Bon, je ne trouve pas que de faire vibrer le plancher du gymnase à trop danser soit une activité des plus sécuritaires… mais c’est très généreux de leur part de nous inviter tous ainsi! En fait, Noël ici, ça semble être la véritable célébration de la générosité.

J’ai demandé à mes élèves ce qu’ils voulaient pour Noël. J’ai obtenu très peu de réponses. Un peu comme si le concept de demander des bébelles n’était pas leur priorité. Ils recevront tous assurément des cadeaux, des bidules électroniques, des surprises. Ils se verront offrir aussi beaucoup de linge, peut-être un nouveau parka, une nassak (la tuque inuit crochetée), des mitaines cousues dans les dernières semaines. La fin de l’automne, c’est la saison de la couture pour les femmes inuit.

À 10 jours de la fin de l’école, ça commence à sentir la fin, leur élan de Noël est bien entamé.

Pour moi, par contre, je n’ai pas senti grand-chose dans les derniers jours.
C’est physique. Je ne me sens pas à Noël.

Je suis débarquée à Quaqtaq en plein milieu du mois d’août, il faisait 10oC : je me sentais en plein automne.
Le 17 septembre, on a eu notre première neige, c’est à ce moment que j’aurais décoré mon sapin! Mais il était un peu trop tôt et le sapin le plus proche, plutôt loin…
Maintenant, on est dans le froid et ça sent sec, ça sent mon février. Je suis déphasée avec la nature locale. En fait, pas juste avec la nature…

Il n’y a pas de centre d’achat, pas de musique d’ascenseur thématique (en fait, y’a pas d’ascenseur!), pas de poinsettias, pas de père Noël chez Jean-Coutu, pas de discussion à savoir si Noël c’est pas trop commercial. Il me manque à peu près tous mes repères culturels.

C’est beau, l’hiver nordique. Je vais bien! Mais j’ai pas un « feeling » de Noël.

Quoi que… on cogne à la porte…
« You want to buy carving? ». Non… pas cette sculpture-là… mais je pense à une autre que j’ai vue… peut-être que ça n’a pas encore été vendu?

Et c’est tout ce qu’il me fallait de commercial pour me faire plonger dans la folie du magasinage de Noël! Je veux offrir une petite pensée à ma sœur, une surprise pour un ami… Au beau milieu de la nature des plus aride, la plus calme et la plus sereine, j’ai découvert un nouveau mode de magasinage de Noël : le magasinage à l’envers.

« Oui, allo!! Sammy, Les boucles d’oreilles que tu es venu me montrer l’autre jour, est-ce que tu les as vendues? Non? Je veux te les acheter! »

Et voilà, petit à petit, j’achète des cadeaux, une nouvelle tuque, et puis l’euphorie me gagne. Et c’est très efficace, le magasinage à l’envers, pour des petits items en tout cas! Pour les plus gros, si j’avais voulu un parka par exemple, il aurait fallu que je m’y prenne d’avance, toutes les mamans n’en n’ont que pour les cadeaux de leurs propres enfants présentement. À l’heure où on se parle, ça coud! Et ça sculpte! Un véritable atelier, le village!

D’ailleurs, je suis pas mal convaincue : ça doit être comme ça qu’il fonctionne, le père Noël. Il doit appeler les artisans du coin et leur acheter des petits objets qui font plaisir!

Parce que tout le monde le sait : le père Noël habite très très proche de Quataq!

jeudi 4 décembre 2008

Épisode 23 Tout n’est pas rose dans le royaume du froid

Un gars, une pause cigarette.
Un gars, une pause cigarette durant la récréation.
Un gars, à peine adolescent, prend une pause cigarette durant la récréation.
Un garçon, à peine adolescent, prend une pause cigarette durant la récréation de son école primaire.
Plus la description se précise, plus l’image ne fait pas de sens. Pourtant, à tous les jours, la même vision.

Alors, go go go Marie, faut faire quelque chose.

Première tentative, appeler la police. Après tout, c’est illégal de donner des cigarettes à des mineurs. Faut arrêter quelqu’un!

-Allo, la police? Y’a tous les jours des jeunes (jeunes : en bas de 15 ans!) qui fument à l’école.
-Est-ce que les jeunes ont volé les cigarettes?
-Heu… non, je ne pense pas. C’est pas pour ça que j’appelle, c’est juste pour ne pas qu’ils fument. C’est pas bon pour leurs poumons!
-T’es nouvelle ici toi! Crois-moi, on a d’autres chats à fouetter que de faire la morale aux jeunes et à ceux qui leur achètent des cigarettes.

Bon, c’est malheureux, mais tout à fait légitime. Laissons la police s’occuper des drogues dures, de l’alcool destiné au marché local illicite et des autres délits routiniers.

Action-cigarette, faut pas s’arrêter pour si peu. Alors : rencontrer la travailleuse sociale pour lui en parler. Toc, toc, toc à la porte du bureau des services sociaux. Personne.
Ah… la travailleuse sociale vient d’être mutée dans un autre village sans remplacement pour l’instant dans la communauté ici. Ouff…

Ok, mon autre idée, c’est peut-être un peu fort, mais faire un signalement à la DPJ!
Euh… l’intervenant DPJ n’est plus là non plus. Personne pour le remplacer. Il faut directement se référer aux services sociaux à Kuujjuaq pour signaler les problèmes majeurs. Et il y a malheureusement pire qu’un enfant de 12 ans la cigarette au bec. Bon…

Faut pas lâcher! Continuer de discuter avec l’équipe d’employés de l’école et le directeur d’établissement : c’est illégal au Québec de fumer sur le terrain d’une école primaire ou secondaire, et ici, la même bâtisse abrite les deux à la fois… C’est doublement illégal donc.

-Mais… tu sais… on demande aux jeunes d’aller fumer au poteau de l’Hydro qui n’est pas, techniquement, sur le terrain de l’école…

Une enseignante d’expérience dans le Nord rajoute que les enfants accros qui n’ont pas leur « tube » à la récréation ne tiennent pas en place avant l’heure du lunch, faut donc être conciliant, autant se peut, faire avec les malheurs des coutumes locales.

Et puis il y a ce jeune, toujours la cigarette à la main nue, aujourd’hui avec ses deux mitaines, qui tente de marchander une cigarette à ses amis. Une cannette de boisson gazeuse contre une cigarette. Une palette de chocolat contre une cigarette. Il fini par trouver, il inhale.

-Pourtant, je t’ai vu souvent fumer, tu négocies toujours tes clopes comme ça?
-Non, d’habitude, ce sont mes parents qui me donnent mes cigarettes.
-Et puis, là ils ne t’en ont pas donné?
-Non, je suis en punition : ma mère ne veut pas me donner de cigarette pour une semaine.

Et ça c'est l'annecdote cigarette. Je pourrais répéter la même chronique pour l'absentéisme scholaire chronique (dès la 3ème année), l'impolitesse grave, le recours à la violence pour régler les conflits quotidiens, la manipulation affective et les idées suicidaires...

Comme enseignante, je fais ce que je peux.
Vaut mieux peu que pas du tout.
Mais des fois, ça semble presque rien.
Tout n’est pas rose dans le royaume du froid.
Les poumons sont noirs.

Les âmes aussi.

jeudi 27 novembre 2008

Épisode 22 L’homme qui a vu l’enfant qui a vu l’ours… ou est-ce un loup?

J’ai commencé à vous écrire une chronique que je conserverai pour plus tard. Je viens tout juste d’être dérangée dans mon travail par un coup de téléphone. Un autre. Encore. J’en reviens pas de ne pas vous en avoir parlé avant :

- Marie, je veux « viendre » chez toi. (Une voix d’enfant).
Même sans afficheur de numéro entrant, je reconnais facilement la petite personne qui est au bout du fil.
- Non, pas ce soir Briget, je suis en train de travailler devant mon ordinateur.
- (D’une voix haut perchée) Encoooooooore! Tu travailles « trop le temps », Marie!

Et oui, je me fais faire la morale par une gamine…

Si ce n’est pas elle, c’est une autre. Louisa, qui vient cogner à ma porte pour me conter toutes sortes de menteries, juste pour avoir mon attention. Sinon c’est Pauluse qui vient me dire que Kevin m’aime. Ou Kevin qui vient me dire la même chose au sujet de son acolyte. Lydia, elle, entre sans cogner, fouille et trouve toujours les bonbons que je change pourtant de place. Sarah ne vient jamais seule, elle est trop gênée, mais elle aime bien mon salon : elle trouve l’idée d’un vélo stationnaire devant la télé vraiment géniale! Peut-être pense-t-elle que j’ai inventé la chose!

Les enfants sont les princes de ce royaume du froid.
Ils sont partout, tout le temps.
Ils jouent, se promènent, se chicanent, jouent à chasser, chassent pour de vrai, patinent, à toute heure du jour et de la nuit. À partir de 6-7 ans, ils sont autonomes, libres, vraiment beau à voir. Vraiment difficile à concevoir des fois. Autour de ma table de cuisine, à manger des biscuits et à boire de la limonade, je me demande comment leurs parents ne s’inquiètent pas que leurs jeunes passent du temps avec des adultes qu’ils ne connaissent pas… et d’autres encore qu’ils ne connaissent que trop…

Mais je ne suis pas ici pour juger. Je profite de mes petits amis. Je fais un peu d’enseignement hors de l’école à des enfants qui sont beaucoup trop jeunes pour être mes élèves. « Lavez-vous les mains! » « Aujourd’hui, c’est un fruit qu’on va manger ensemble, pas des cochonneries… »

Encore, on cogne à la porte, je reviens (authentique).

C’est pas une farce, j’ai entrepris la rédaction de cette chronique en me disant que je n’ai pas de photo de mes petits visiteurs et en voilà 3 qui viennent juste de me faire une surprise, à la bonne franquette! Et bien, mon texte est maintenant illustré!

Ce sont deux de mes visiteurs qui justement ont vu lundi soir, en sortant de chez moi une ombre inhabituelle, dans le noir. Ça serait un loup, d’après eux! 180 degrés, de retour en trombe dans ma maison, les appels aux parents. Et il n’en fallut pas plus pour que ma maison soit entourée de véhicule aux phares aveuglants. Le téléphone a sonné, c’est une collègue, on chercherait l’ours. Un ours brun aurait été vu! Un ours brun ici? Oui, paraît-il!! Les chasseurs, les fusils, un vrai film de poursuite. Finalement, ça ne serait pas un ours brun, c’était devenu un ours blanc qui rôderait, qui serait affamé. Ça a duré des heures, des heures à voir tous les véhicules motorisés sillonner les 4 rues du village. Épeurant!

Mais, après un temps, plus rien. Finalement, c’est moi qui a passé quelques coups de fils en fin de soirée. On n’a rien vu, je devrais être en sécurité pour me rendre à pied demain à l’école. Ça a dû être Pierre et le loup, ou une autre histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours… Peut-être que c’était juste une trop grande imagination d’enfants…

Mais, deux jours plus tard, une carcasse importante est exhibée au village. Pas de photo permise, les Inuit sont strictes là-dessus. Ils ont eu trop de mauvaises presses à cause des protecteurs de l’environnement qui ne comprennent pas que c’est littéralement notre vie ou celle d’une « brave et innocente bête ». Toute écolo que je sois, je suis unilatéralement du côté des Inuit au chapitre de chasser pour survivre : je préfère avoir la vie sauve que de servir de déjeuner à un carnivore du sommet de la chaîne alimentaire. Croyez-moi, c’est impressionnant!

L’histoire s’est donc avérée vraie : Marie a vu l’enfant qui a réellement aperçu l'animal. Ici, il ne faut jamais prendre leurs histoires pour des enfantillages.

Tient, encore le téléphone (authentique)!

- Marie! Is my daughter still at your place?
C’est la première fois que ça arrive ça!
Mais où est-ce que tout le monde a eu mon numéro de téléphone?

jeudi 20 novembre 2008

Épisode 21 Cours de sciences intéressé

Bien que j’enseigne toutes sortes de choses, ici, au Nord, je suis d’abord et avant tout une enseignante de sciences. Je vais donc abuser de mes compétences professionnelles pour vous faire aujourd’hui un petit cours un peu tordu, mais d’une importance capitale pour mon bien être! Et, mes chers lecteurs, votre apprentissage sera tout à fait « authentique », parce mon exposé théorique trouvera écho dans la vraie vie, dans la mienne en fait, je l’espère bien! Hihihihi!

Roulement de tambour : voici un petit cours de sciences important.

Au Nord, c’est sec. C’est à cause du froid.

L’air, de manière générale, ne peut jamais contenir plus qu’une certaine quantité de vapeur d’eau. Le concept de saturation fait référence à la quantité maximale de vapeur d’eau possiblement contenue dans l’air.

Plus l’air est froid, moins il peut contenir d’eau.

Quand l’air est vraiment froid, il ne contient que très peu de vapeur d’eau. Même s’il est saturé, même s’il contient 100% de l’humidité physiquement possible, ce n’est pas beaucoup de molécules d’eau…

C’est ce même air de dehors, pauvre en vapeur d’eau, qui entre dans les maisons. Cet air est réchauffé (Dieu merci!) mais il ne contient pas plus d’eau (parce que « rien ne se perd, rien en se crée! » c’est là que ça sert les connaissances de chimie de secondaire 4).

Cet air chaud, qui contient très peu de vapeur d’eau, est sec. On dit par exemple qu’il contient 10% d’humilité relative, c'est-à-dire qu’il ne contient que 10% de ce qu’il est capable de supporter.

Et dans les maisons du Nord, il y a très peu de choses qui libèrent naturellement de la vapeur d’eau : pas d’aquarium, pas beaucoup de plantes, pas de longs bains dans lesquels j’adore me vautrer… Alors, l’air intérieur est très sec, le % d’humidité relative est très bas.

Pour être confortable, l’humidité relative à l’intérieur devrait se situer entre 40 et 50%, en deçà de quoi il y a beaucoup d’électricité statique, de problèmes respiratoires, les lèves gercent et la peau sèche… comme dans l’annonce où la femme se transforme en crocodile! SÈCHE, la peau, ouff…

Il y a donc certaines actions nécessaires à poser pour augmenter l’humidité relative. La Commission scolaire fournit, dans chaque logement, un humidificateur. Le mien roule en continu depuis 1 mois et va connaître une très longue saison d’utilisation. Une autre méthode de profiter de l’eau qui s’évapore c’est de faire sécher son ligne à l’air libre, sans utiliser la sécheuse qui sort toutes les précieuses petites molécules d’eau, par un gros tuyau, à l’extérieur de la maison. Et moi qui n’ai jamais possédé de sécheuse, j’étais super contente d’arriver ici et d’en avoir une, je m’étais acheté une grosse boîte de Bounce en feuille pour la première fois de ma vie… et je recommence à faire sécher mon linge sur la pole de rideaux de douche. C’est mon karma faut croire!

Mais bref, la sécheresse, au Nord, il faut y faire attention. D’autant plus que la peau exposée au froid, quand on va à l’extérieur, est très agressée. Elle sèche d’autant plus.

Et nous ne sommes qu’en novembre, je ne connais pas les grands froids encore!

Mais pourquoi ce cours de sciences me direz-vous, chers parents, chers amis?

Parce que si vous voulez me faire un petit cadeau de Noël, de la crème pour le corps serait tout à fait bienvenue! Je m’en étais apportée toute une réserve pour l’hiver et je suis déjà passée au travers… Soit dit en passant, j’aime beaucoup la crème St-Yves « Soulagement intensif » et les beurres corporels du Body Shop!

Merci bien ! : ) Hihihihi!!

jeudi 13 novembre 2008

Épisode 20 Le marché de l’art

Pour acheter de l’art inuit, il y a deux options.

La première est relativement facile pour tout le monde. Il suffit de se rendre dans une galerie spécialisée du Vieux-Montréal et de transiger avec des marchands d’art. Ils ont de belles pièces authentiques, transportées du Nord dans des caissons bien matelassés, présentées dans des vitrines super éclairées. On trouve bien sûr des sculptures et quelques couvertures, des peaux tannées et d’autres objets si particuliers à la culture du peuple du Nord.

On peut trouver de tout! Mais à un seul prix : excessivement cher.

La deuxième option pour acheter de l’art inuit implique de déménager dans le Nord. Moins évident que l’option de magasinage fancy dans le Vieux, mais la facilité de la suite des opérations vaut la peine d’être entendue. Inévitablement, pas longtemps après votre déménagement, quelqu’un va venir cogner à la porte de votre maison nordique pour proposer ses œuvres.

J’ai vu de tout passer dans mon entrée : des boucles d’oreilles en ivoire de narval, des pendentifs en pierre de la couleur de la toundra, des broches de toutes sortes. Je me suis acheté une bague en forme de béluga sculpté dans un bois de caribou. Elle est très belle; beaucoup de mes collègues en sont jaloux. Je suis d’autant plus contente de me l’être procurée qu’elle a été faite par un de mes élèves de secondaire 4, Sammy, dans son cours de culture inuit. Il l’a faite, il a prouvé ses compétences, il a eu une bonne note et il est allé faire fructifier son projet d’étape chez son enseignante. C’est ce qu’on appelle dans le jargon de l’éducation une « situation authentique », c'est-à-dire un projet scolaire qui demande du travail personnel dans une tâche qui trouve écho à l’extérieur des murs de l’école! Très « réforme », le cours de tradition inuit!

On est bien sûr venu me proposer des sculptures, surtout de la pierre à savon, de petite taille. Je suis toujours surprise :

- (knock, knock) You want to buy carving?
- Yes, heu… where is it?
- Here!

Et on sort un morse ou un pêcheur traditionnel d’une poche de manteau!

Je me suis acheté deux sculptures déjà, un phoque façonné par un professionnel et un inukshuk, la première sculpture à vie de Pauluse, un élève du primaire. Si on est habitué de voir de l’art enfantin, c’est généralement du dessin, de la peinture ou du papier mâché. Je trouve cette sculpture naïve, un homme de pierre au bras visiblement recollé, très sympathique!

On peut se voir offrir de tout! Mais à un seul prix : pas mal cher.

Le coût de la vie ici explique en partie les centaines de dollars qui se transigent dans les portiques. La demande aussi conserve les prix relativement hauts, parce que ce ne sont pas que les étrangers qui s’offrent des beaux bibelots et autres breloques. Les Inuit s’en procurent aussi beaucoup. Les femmes, surtout, arborent en tout temps des bijoux artisanaux d’une grande beauté.

La difficulté de cette méthode d’achat, c’est de prendre une décision spontanée. Acheter ou ne pas acheter, garder ou laisser passer. Pas de réservations. Négocier un peu. Payer cash et sur-le-champ. Pas de politique de remboursement si le lendemain, on vient proposer une sculpture qui conviendrait mieux comme cadeau de Noël pour les beaux-parents! Si je ne la prends pas, cette paire de boucles d'oreille, il se peut très bien que je les vois portées par une collègue dans les jours suivants.

Il existe bien une autre méthode pour se procurer de l’art inuit, mais celle-là est très difficile à prévoir... Trop imprévisible, bien que j'ai eu de la chance sans le savoir! Pour cet accès particulier au marché d'art inuit, il faut déménager dans le village où il y a la convention annuelle des artisans (sculpteurs, gaveurs, illustrateurs, brodeurs). À la fin de leurs trois semaines de formations et de motivation, ils exposent leurs œuvres, de petites, mais aussi de très grosses que l’on voit beaucoup plus rarement. Une chance unique de trouver des pièces qui ne seront jamais présentées aux acheteurs de Montréal. Je ne m’y suis acheté qu’un collier, une griffe d’ours polaire montée sur une pierre verte. De toute beauté!

J’ai vu toutes sortes d’œuvres extraordinaires! Mais à un seul prix : très cher.

jeudi 6 novembre 2008

Épisode 19 Totally politically incorrect

Je vais vous dire une atrocité, une chose qui ne se dit pas, mais voilà, faut que j’en parle.

Pour être bien dans le Nord, faut parler anglais.

Oh la la, je vais recevoir des tonnes de critiques pour avoir dit ça! Certains collègues vont me faire miroiter des anecdotes de connaissances lointaines (ou d’eux-mêmes) totalement heureuses et fonctionnelles au Nord sans même savoir dire yes-no-toaster. Oui, je sais: ma mère, infirmière au Nord en 1971, en est un exemple souriant, mais quand même...

Il va y avoir des représentants officiels de toutes sortes services publics qui vont m’accuser de faire diminuer le (déjà beaucoup trop) petit nombre de candidats unilingues prêts à tenter l’expérience nordique. C’est me donner beaucoup d’importance d’insinuer que, par mon blogue, j’influence le nombre de professionnels disposés à montrer travailler dans la toundra! Wow, faut pas exagérer!

Il va surtout avoir l’Office de la langue française au grand complet qui va me tomber dessus pour me rappeler qu’on est au Québec et que notre langue, c’est le français; la langue de travail, la culture et tout le tralala, c’est en français. Oui, je sais, je sais.

Je veux bien tout ça! Je suis d’accord avec le principe, mais mon analyse sociologique ne me permet de conclure qu’une seule chose : au Nord, ça se passe en anglais.

Tous mes élèvent ont l’inuktitut comme langue maternelle. C’est une langue sommes tout en bonne santé pour être parlée par un si petit nombre de personnes au monde (environs 35000). Les enfants apprennent à le lire et à l’écrire de la maternelle à la troisième année à temps complet et durant toute la suite de leurs études à raison de 3 fois/semaine. Bien sûr, comme toutes les langues minoritaires, elle a quand même à défendre sa place et à lutter entre tradition et évolution. On connaît la dynamique; on peut même lire un excellent dossier à cet effet dans l’Actualité de cette semaine.

Donc, tous les Inuits, par défaut, parlent l’inuktitut. Parmi les aînés, il y en a encore qui ne parlent que cette langue, mais la très grande majorité des autochtones du village parlent aussi l’anglais. Un bon nombre de jeunes font leur scolarité en français. Tous ces enfants au secteur scolaire français, mes élèves, parlent d’abord l’anglais. Ils ne l’ont jamais appris à l’école, mais c’est la langue d’usage après l’inuktitut au village, c’est la langue de Hanna Montana, de Metallica et de Rhianna, des films, de presque tout ce qu’on trouve sur l’internet et à la télé. À l’extérieur de l’école, très peu pratiquent leur français. En fait, plusieurs parents qui envoient leur enfant dans ma classe ne parlent pas français eux-mêmes. On connaît la difficulté des parents immigrants qui ne peuvent aider leurs jeunes à faire leurs devoirs dans la langue d’enseignement : c’est la même chose ici. Pourquoi alors envoyer les enfants étudier en français? Par ce qu’il faut bien faire un choix. Parce qu’on est au Québec et oui, ça influence les résidents de Quaqtaq à faire des efforts dans ce sens. Et rares sont les familles où tous les enfants sont envoyés étudier dans la même langue : il faut diversifier ses ressources familiales! Ça, c’est une compétence sociale intéressante!

Mais bref, j’ai beau enseigner en français, beaucoup de mes élèves ne parle français QUE dans ma classe. Aussitôt sortis de mon local (et même des fois à l’intérieur de mon local, grrrr…), ils s’adressent même à moi en anglais. Quand on parle de sujets délicats, quand je fais auprès d’eux des interventions émotives, quand on rencontre les parents, c’est en anglais. J’ai pris l’habitude d’aborder tous ceux que je ne connaissais pas (ou ne reconnaissais pas sous leur tuque et capuchon de parka) en anglais… J’ai plus de probabilité de me faire comprendre, de paraître sympathique, d’entrer en relation avec quelqu’un.

Je l'écrivais à Chantal l'autre jour: même aux chiens en libertés dans le village, qui m’escortent gentiment de la maison à l’école, le matin à 7 heures, je leur dis spontanément :« Please, bad loking dog, go to the grooming salon this morning! I’ve heard there is a new fashion going around, you could use it… »

Le seul problème, c’est qu’ils ne semblent pas trop me comprendre… ils ne reviennent jamais me voir bien brossés… Mais c’est peut-être juste parce qu’il ne savent pas c’est quoi, un salon de toilettage?!?



Et voilà les photos de la semaine passée : la chambre d'amis, la mer et l'hiver!

jeudi 30 octobre 2008

Épisode 18 Auberge chez Marie, généralement vide.

Information : dans les villages nordiques, la disponibilité des logements est fort limitée. Rien à voir avec « la pénurie » de logements que l’on connaît à Montréal. Construire ici, avec le transport de matériaux et la main d’oeuvre, c’est beaucoup, beaucoup d’argent! L’offre de location est limitée au strict minimum, gérée presque exclusivement par les conseils autochtones locaux. Chez les Inuit, on parle de familles entières, souvent plusieurs générations de familles, dans des maisons, des maisons sans sous-sols (on se souviendra de la chronique où je jasais de fondations!). Dans ces circonstances, la commission scolaire n’est pas responsable d’un parc immobilier à tout casser non plus. On rationalise l’utilisation des habitations, et c’est tout à fait normal!

Rappelons les faits : quand je suis arrivée à Quataq, le 15 août, j’avais une coloc et il restait un dernier logement libre pour un prof encore à embaucher. 72 heures plus tard, on a réaménagé les tâches de manière à fonctionner avec un homme en moins à l’école. Aussitôt, ma coloc a demandé d’emménager dans le logement rendu vacant. Je restais donc seule locataire de la grande maison (1200pieds carrés, 2 grandes chambres à coucher) en attendant l’embauche d’un prof supplémentaire prévu pour janvier (une collègue sera alors en congé de maternité). Cette nouvelle personne sera mon coloc par défaut.

Tout un pari : je ne sais pas avec qui j’habiterai en janvier… mais d’ici là je suis seule locataire de d'une grande maison meublée! OK, j’ai un canapé qui gagnerait à être rembourré, une fenêtre cassée, et une pompe à eau archi bruyante, mais, dans l’univers nordique, une maison toute seule, c’est un luxe sans nom!

Depuis le début de l’année scolaire, à une quelques secondes d’exception près, je barre ma porte le vendredi soir et je ne la débarre que le lundi matin pour retourner au travail.

Toute seule, toute seule, toute seule… Et j’apprécie!

J’apprécie parce que c’est spécial, jamais je n’ai passé autant de temps entièrement laissée à moi-même. Danser partout dans la maison. Passer des heures avec un masque de « anit-ride/super-collagène/ça sert à rien/mais ça fait du bien » dans la figure. Faire n’importe quoi dans ma maison plus vide qu’un décor IKEA, sans qu’âme qui vive ne soit au courant, c’est très, très euphorisant!!

J’apprécie aussi parce que je ne m’ennuie pas ici, toute seule : j’ai beaucoup à faire! En plus de ma correspondance abondante, mon vélo d’intérieur sur lequel je lis des magasines de qualité discutable et du métier d’enseignante qui est très envahissant, je suis étudiante à la maîtrise en enseignement de l’UdeS. Je vous imagine froncer les sourcils, chers lecteurs; l’Université de Sherbrooke, c’est loin de la baie d’Ungava! Bien sûr! Mais ledit programme se fait par téléapprentissage. Ça m’occupe, ça me prend du temps, ça remplit mes fins de semaines : parce que je m’applique dans mes études et aussi parce que ma connexion internet est très ente!

J’apprécie parce que je sais que cette situation est temporaire. De retour au Sud, de retour à ma vie habituelle, avec la famille, le conjoint, les amis, le cinéma (le cinéma!), les commerces, la ville quoi… Ne passer que 2 heures toute seule sur le Plateau Mot-Royal relève de l’exploit surréaliste!

Et j’apprécie d’autant ma solitude qu’elle est quelques fois ponctuée de visite. Je reçois un appel, un courriel : une personne s’en vient au village et il ne reste plus de place dans le seul hôtel de Quaqtaq. Un hôtel… c’est vite dit! Une étoile, l’établissement! Quelques lits, une salle de bain commune, une cuisinette pour se faire minimalement à manger. Quand il n’y a plus de place, on me demande de loger des conseillers pédagogiques venus nous rendre visite. Jusqu’à présent, j’ai reçu Nicolas et Pascal (Allo!) et une infirmière de passage… Quelques jours à jouer les aubergistes, à partager ma grande maison, à faire à manger pour deux, à faire en sorte que la chambre d’ami serve, ça me fait plaisir!

Pour l’instant, en fait presque tout le temps! j’affiche « vacancy ». Si vous passez dans le coin, n’oubliez pas de réserver la seule chambre disponible à l’Auberge chez Marie. Ça ne se compare pas aux complexes hôteliers de Las Vegas ni aux beaux B&B champêtres de l’Estrie. En fait, c’est pas beaucoup plus chic qu’une chambre d’auberge de jeunesse en Europe de l’Est, mais il y a une vue sur la mer! Pas mal du tout!!

jeudi 23 octobre 2008

Épisode 17 J’enseigne, mais eux apprennent-ils? Partie 2

(toujours pas de moi ce titre… et je n’ai toujours pas lu le livre en question…)

Apprennent-ils? Oui, ils apprennent! Et pas mal de choses à part de ça!

1) Ils apprennent à ne pas apporter d’œil de phoque en classe. Plutôt que de dégoûter leur enseignante, ça lui donne le goût de faire une dissection en bonne et due forme de les oblige à apprendre du nouveau vocabulaire de biologie…

2) Ils améliorent de jour en jour leur compétence pour subtiliser l’appareil photo que je laisse dans mon bureau. Ils prennent toutes sortes de photos drôles ou de moi qui me fâche quand ils ne travaillent pas (selon leur échelle à eux, ça doit être considéré comme super drôle ça!). Et ils me remettent l’appareil sans que je m’en aperçoive, sans jamais que j’aie à le demander.

3) Comme usage pour le tout nouveau SmartBoard installé dans le local d’informatique, ils ont appris, et en quelques secondes seulement, que c’était un tout nouveau médium génial pour jouer au Spider Solitaire!

4) Ils apprennent à recevoir mes compliments. La première fois que j’ai dit à une de mes élèves qu’elle était belle, elle a rugi tellement fort que j’en ai été décoiffée. Après deux ou trois tentatives, elle est venue me demander pourquoi je lui disais ça. « C'est que ça me fait plaisir! Est-ce que ça te fait plaisir de l’entendre? ». Elle m’a dit oui, alors je le lui rappelle souvent!

5) Pour l’Halloween, ils ont appris à sculpter une citrouille. Pour plusieurs, c’était la première fois qu’ils en avaient l'occasion! Cette fois-là, j’ai eu tout un vidéo qui est apparu sur mon appareil photo... Je pense comprendre pourquoi mes batteries se vident toujours rapidement!

6) Pour décorer la classe, on a aussi fait des dessins d’Halloween. On a discuté de la fête, on a parlé de maisons hantées, de citrouilles et de fantômes… Et un de mes élèves a dessiné « Go Habs Go : Alex Kovalev! » Est-ce que parce que Kovalev fait peur? « Non! C’est mon joueur préféré! » Alors, je lui demande ce qu’il va dessiner pour Noël. « La même chose », qu’il me répond. Et pour la St-Valentin?. « Go Habs Go : Alex Kovalev! » En rose pour l’occasion? « Oh non!!!! Marie… t’es drôle! ».

7) Et il y a des minutes à les inviter à venir en classe, lutte récurrente au début de chaque période; le temps passé à leur demander d’aller porter leur manteau au casier; négocier des pauses cigarettes pour des élèves d’âge mineur (ce qui m’enrage…); répondre à leurs millions de questions posées dans l’unique but de faire parler la prof (technique aussi bien utilisée par les ados du Sud pour ne pas travailler!)…

Au travers de tout ça, ils apprennent la conjugaison des verbes en er et la relation de Pythagore. Je tiens à mentionner que de tous mes élèves présents au dernier examen de maths, la note la plus faible a été de 70%. Deux élèves ont même obtenu 100%!!! Je suis très fière d’eux!

Et que tous les théoriciens de l’éducation aillent se rhabiller, des grandes idées, des documents officiels, des politiques innovatrices, géniales, révolutionnaires… ça ne change pas grand-chose : les élèves apprennent. Ne serait-ce que d’interagir dans un contexte différent de la cellule familiale, ne serait-ce que parce qu'ils sont ogligés d'utiliser un langage un peu soutenu, ne serait-ce que d'être en relation avec une enseignante d’une autre culture, qu’ils trouvent très exigeante (lukuapik en inuktitut, je le sais, ils me le disent très souvent) : ils apprennent.

Encore faut-il qu’ils viennent en classe pour qu’on leur enseigne. Et c’est malheureusement la partie qui m’échappe et pour laquelle je me sens impuissante.

Parce quand ils viennent à l’école, ils apprennent! Toutes sortes de choses!

jeudi 16 octobre 2008

Épisode 16 J’enseigne, mais eux apprennent-ils? Partie 1

(C’est un super titre, mais ce n’est pas de moi, c’est le titre d’un livre de Michel Saint-Onge que, bien honnêtement, je n’ai pas encore lu.)

J’enseigne donc.

Oui, j’enseigne tous les jours. Et je trouve ça super comme milieu de travail! L’école Issumaqsaviq est vraiment chouette! On dirait une petite école primaire avec un laboratoire de sciences annexé… Et puis, à bien y penser : C’EST une grosse école primaire, avec 4 locaux de secondaires et un beau laboratoire un peu à l’écart!

Il n’y a qu’une école au village et elle abrite tous les ordres d’enseignement, dans toutes les langues : inkutitut, français et anglais. Il y a un peu moins de cent élèves au primaire et à peine une vingtaine au secondaire, alors c’est souvent l’ambiance des plus petits qui l’emporte!

C’est spécial d’être un prof au secondaire, à triper avec l’énergie des adolescents que j’aime beaucoup, et, en même temps, pouvoir faire le clown avec la marmaille dans les couloirs. C’est aussi particulier de faire des équipes d’élèves pour une activité ou une autre et de mêler des maternelles avec des ados plus grands que moi. Le résultat est super! Tout le monde se connaît: les grands frères s’occupent des petits, des cousins, des amis; les grandes filles maternent les plus jeunes. Je suis très contente de voir mes ados rebelles être responsables des enfants quand on leur demande.

L’école est coquette et excessivement propre. Inimaginable au Sud : les élèves entrent, enlèvent leurs bottes dans l’entrée, les placent sur les étagères (ok… ça, c’est la partie qu’ils font le moins, alors on s’enfarge constamment dans toutes sortes d’affaires!). Quelques-uns échangent leurs bottes pour des souliers d’intérieurs. La majorité passe la journée en pieds de bas. Tout le monde se plie à cette règle d’enlever ses chaussures d’extérieurs parce que, s’il n’y avait qu’un seul qui transportait de la neige par ses semelles dans les couloirs, tous les autres auraient les chaussettes mouillées... Beurch…

Alors, c’est dans ce contexte que je travaille tous les jours. J’arrive dans une école vide à 7 h pour faire ma préparation, les cours commencent à 9 h. Et, à enseigner deux cours de sciences sans TTP (« technicien en travaux pratiques » dans notre jargon), j’ai beaucoup de détails à préparer tous les matins : des circuits électriques à monter pour des démonstrations, des plantes à arroser, des photocopies à faire, des photocopies à faires, des photocopies à faire…

J’enseigne simplement, en suivant scrupuleusement les programmes qui ne me sont pas très connus, soit parce que je n’ai jamais enseigné ladite matière (comme le français), soit parce que le programme est adapté à la réalité nordique (comme le cours d’écologie en secondaire1). De plus, je n’enseigne pas en « contexte de réforme », ce qui est nouveau pour moi (et absolument contraire à tout ce que le merveilleux monde de l’éducation vit présentement au Québec!). Par contre, habituée à mettre mes élèves en « situations authentiques » et en projets, j’ai quelques tours dans mon sac qui font en sorte que les cahiers d’exercices ne servent que de tremplin pour un apprentissage plus concret. Je vous en reparle dans une prochaine chronique (les élèves de Mélissa Bourgeault à l’école André-Laurendeau de St-Hubert en savent déjà quelque chose!)

Comme tout le monde au village, sur l’heure du midi, je rentre manger chez moi! C’est un détail que j’apprécie beaucoup. J’en profite pour lire mes courriels, pour voir si j’ai des commentaires sur mon blogue! Et ça recommence l’après-midi. En tout, 7 périodes de 45 minutes. À changer de discipline à enseigner tous les ¾ d’heures, les journées passent très vite! Ajouté à ça toutes les activités éducatives, physiques et ludiques qu'on organise à la grandeur de l'école, les semaines sont courtes!

On rentre, on sort et on s’enfarge dans les souliers et les bottes. Un jour à la fois: ça fait déjà deux mois que j'enseigne à Quaqtaq.

jeudi 9 octobre 2008

Épisode 15 Informations audiologiques


À la semaine formation de début d’année à Kuujjuaq, une information m’a beaucoup impressionnée. À l’atelier d’Hannah Ayukawa, l’audiologiste responsable de la commission scolaire, on a appris que 20% de nos élèves souffraient de problèmes auditifs. 20%. C’est 1 sur 5. Pour rapporter cette information à notre échelle habituelle, dans une classe « normale » du Sud, c’est comme si 6 élèves dans un groupe de 32 souffraient de troubles de l’audition. C’est énorme.

Il y a 2 raisons répertoriées qui expliquent cette statistique alarmante.

Premièrement, conséquence de l’exposition aux microbes du Sud, les enfants inuit sont très affectés par les otites. 85% des enfants ont déjà eu 3 otites avant l’âge de 1an. Certaines de ces infections laissent des séquelles à l’oreille interne et, par extension, à l’ouïe.

Ensuite, et chose qu’on ne soupçonne pas quand on imagine la Nature, la Paix et la Solitude de la toundra, l’exposition aux bruits ambiants est assez dérangeante pour causer des dommages irréparables. La chasse au harpon silencieuse appartient à la tradition. On utilise (et on commence à utiliser très jeune) des fusils de gros calibre pour chasser. On habite en bordure de la piste d’atterrissage. Toute activité de construction, de déglaçage, de… ben, toute activité… comme partout ailleurs, est mécanisée. Des génératrices (des génératrices de bruit, oui!), on en entend partout.

Ça, c’est les infos scientifiques qu’Hannah m’a gentiment redonnées cette semaine à Quaqtaq lors de sa tournée des écoles. De manière absolument non scientifique, par simple observation, j’ajoute à cette liste une autre raison de problèmes auditifs précoces, au Nord comme au Sud : les écouteurs. Les machins d’oreilles. Les iPods à rendre sourd. Ce que les élèves, inuit comme non inuit, écoutent en continu, à tue-tête, par plaisir, parce qu’ils en ont la possibilité ou tout simplement pour faire chier l’Autorité qui leur demande de se concentrer au travail scolaire! C’est don’vrai que de travailler quelques minutes sans musique, c’est la fin du monde! Je suis une tortionnaire… que voulez-vous! Pour me le faire comprendre, faut monter le volume, c’est évident! Être ado, c’est aussi se penser invincible. Mais les tympans ne l’entendent pas de la même manière…

Bref, pour aider ces handicapés de l’audition (parce qu’on sait que des problèmes d’auditions sont corrélés à des résultats académiques beaucoup plus faibles), la commission scolaire, de pair avec la régie régionale de la santé, a installé dans presque toutes les classes des écoles un système de hauts parleurs qui amplifie la voix de l’enseignant. Je porte donc un micro au cou et je m’entends plus fort partout dans la classe.

C’est comme si j’étais Céliiiiiine!!

Que ceux qui m’ont déjà entendu au Karaoké ne s’inquiètent pas, je ne chante pas en classe! Je parle du théorème de Pythagore à la place. Pythagore amplifié. Pour tout le monde. Les élèves aux troubles de l’audition sont ainsi aidés, les autres aussi. Tout le monde a plus d’informations sonores, tous les élèves entendent mieux les inflexions d’une langue qui est leur langue seconde (voire troisième), que je sois dans un coin de la classe ou face au tableau. Je trouve aussi que je suis moins portée à élever la voix pour avoir l’attention de tous mes jeunes. J’ai la voix moins fatiguée le soir venu (ou est-ce que c’est juste parce que je n’ai plus à parler de toute la soirée? Hum...).

Mais, faut pas virer fou non plus, quand j’ai juste une ou deux élèves en classe, qu’on s’installe à la table ronde pour faire la leçon presque privée, je ne m’amplifie pas juste pour le fun d’utiliser la technologie… moi aussi, faut que je fasse attention à mes oreilles!

jeudi 2 octobre 2008

Épisode 14 La question de l’eau

Mon ami Jonathan (en remplacement de mon ami Frank) a eu à enseigner cette semaine le pergélisol aux élèves d’une école secondaire de St-Hubert. Excellent! Je suis contente que cette notion géographique soit à l’étude! Ce sol représente une superficie importance du Canada dont il faut tenir compte pour avoir une bonne appréciation du territoire. C’est aussi un enjeu de taille dans le réchauffement climatique : la fonte du pergélisol libère une immense quantité de méthane, un gaz à effet de serre dangereux. Il y a beaucoup à lire sur le sujet. Mais, dans les manuels scolaires et sur l’internet, on parle peu DU problème associé à la vie moderne sur le sol gelé en permanence. Alors, dites-moi, chers lecteurs, quel est le VÉRITABLE problème à vouloir vivre confortablement sur le pergélisol?

a) On ne peut pas faire pousser une haie de cèdres autour de sa piscine creusée.

b) Comme on ne construit pas de fondation pour les maisons, il est impossible d’avoir une cave à vin dans la cave, parce qu’il n’y a pas de cave.

c) Personne n’a accès à un puits artésien ni n’a de fosse septique (les deux seraient tout le temps gelé!).

Bon, bien sûr, toutes ses réponses sont bonnes; le confort ici ne se compare pas à la vie dans un du bungalow de Brossard. Mais la pire des situations d’après moi, celle dont on ne parle jamais, c’est l’absence de canalisation sous-terraines dans les villages nordiques.

Pas d’entrée d’eau courante par le sol, pas de sortie des eaux usées cachée.

A-t-on l’eau courante? Dans la maison : oui. Chaque maison est munie d’un gros réservoir d’eau potable qui circule à l’aide d’une pompe électrique. Chaque maison est aussi munie d’un gros réservoir des eaux usées, une espèce de fosse septique intérieure. Chaque jour, un camion-citerne vient remplir le premier réservoir à partir de la station de traitement d’un lac propre du coin. Chaque jour, un (autre!) camion-citerne vient vider le second réservoir pour conduire son contenu à la station d’épuration sur le bord de la mer. Mais ces opérations ne sont pas simultanées. Alors si le premier réservoir est vide : on manque d’eau. Si le deuxième réservoir est plein, l’eau est coupée dans la maison pour ne pas avoir de refoulement. Est-ce que ces réservoirs sont gigantesques? Non. Faut faire attention à l’utilisation de l’eau, à chaque seconde, à chaque goutte.

La vaisselle : on remplit un évier et on essaye de faire toute la vaisselle de la journée avec. On réchauffe un peu au besoin.
La douche : on se mouille. On ferme l’eau. On se savonne. On rouvre les robinets et on se rince. Possible de se laver (corps et cheveux longs) avec moins de 10L en faisant attention, revitalisant sans rinçage aidant! Douche aux deux jours si possible. (Il y a une autre raison pour la douche aux deux jours, j’en reparlerai dans une autre chronique).
La lessive : au minimum. Pas de brassée pour un morceau de linge tout seul.
Le lave-vaisselle : on n’y pense même pas… quoique mon ami Sunshine à Kuujjuaq en a un petit!

La toilette : la toilette… Ah, la toilette! Certaines maisons ont des toilettes conventionnelles, très grandes consommatrices d’eau. Ma maison est munie d’une toilette super simple, mais dont la technologie gagne à être connue. Ça ressemble à une toilette d’avion sans réservoir avec la possibilité d’utiliser la quantité d’eau voulue selon les besoins du moment. Efficace. (Envoyez-moi un courriel pour plus de détails sur le fonctionnement de ma toilette, mais je sais que certaines personnes ne trouvent pas ça chic de parler toilette dans un blogue bien : )

Le dimanche? Pas de livraison d’eau.
En cas de tempête de neige majeure? Pas de livraison d’eau.
En cas de panne de courant? Pas de pression dans la tuyauterie intérieure, donc pas d’eau…
À l’école? Aussi le système de réservoirs d’eau propre et d’eaux usées! Dans tous les bâtiments, ça fonctionne comme ça.

L’eau devient une préoccupation constante. Pas angoissante, pas désagréable une fois les habitudes implantées, mais une préoccupation constante tout de même.

Et oui, quand le camion de « sewage » passe, ça pue!
Est-ce qu'on nous apprend ça à l'école?

mercredi 1 octobre 2008

Redescendus au Sud


Le 30 septembre s'est arrêté l'expérience nordique pour Martin et Brigitte.

De tout mon coeur,
bonne chance dans la poursuite de vos projets!

jeudi 25 septembre 2008

Épisode 13 Autocritique


Pour une fille qui est isolée dans la toundra, retranchée dans une communauté inuit, qui partage le quotidien d’un peuple autochtone de l’extrême et du froid, je trouve que je ne parle pas beaucoup d’eux. Pas de déclarations pseudo-anthropologiques de carte postale. Pas de photo d’Agaguk ni de son ours polaire. Dommage, ça fait généralement jaser autour de la machine à café… Mais à ma propre critique, je me réponds deux choses.

1) Je ne connais pas encore beaucoup le monde inuit :
je ne m’impose pas dans la vie de la communauté.

Tout le monde sait que les enseignants vont et viennent dans l’école et dans les villages nordiques à la vitesse d’une aurore boréale.

Certains ne terminent même pas le premier mois d’école. Le choc culturel est trop grand. La distance entre Quaqtaq et le plus proche MacDo-TimHorton-cinéma-feu de circulation est trop étourdissante. La vision de l’éducation au Nord est trop étrangère à la leur.

La majorité des enseignants ne revient pas après un an; l’appel du Sud, des amis, de la famille, d’une carrière plus « convenue » étant puissant.

Certains restent quelques années. Dans l’école où j’enseigne, l’enseignante aalunak (un mot inuktitut qui veut dire « qui n’est pas inuit ») qui est ici depuis le plus longtemps est arrivée il y a 4 ans… Seulement.

Pendant ce temps, et depuis bien avant, tous les autres profs sont venus habiter ici et sont repartis ailleurs. Les jeunes se sont attachés puis écorchés. Jusqu’à preuve du contraire, je fais aussi partie de ceux qui vont refaire leurs boîtes bientôt : je ne fais qu’un remplacement de congé de maternité d’un an, je ne sais pas encore ce qu’il y aura après!

J’ai au moins passé le cap du premier mois… et de la première neige! Mais je reste à l’écart, polie. Je fais bien mon travail; j'apprends des ados, des enfants. J’observe. J’évite de passer pour celle qui veut profiter de l’expérience nordique à tout prix, envers et contre le désir d’être invitée.

N’allez pas croire que je suis malheureuse, bien au contraire! Je suis très bien accueillie dans l’espace public, tout à fait intérgrée dans l'école, mais je ne m’impose pas dans le privé.

2) Je ne sais pas ce qui est « inuit » et ce qui est « juste relatif à l’isolement ».

C’est bête à dire, mais, en bonne plateausarde, je ne sais pas ce qui relève de la culture inuit de ce qui est purement un comportement de vie de village. Je n’ai jamais été entourée de si peu de monde!! Un exemple marquant : il y a un mythe qui dit que les Inuit ne savent pas vivre une peine d’amour. Est ce que c’est inuit ça ou est-ce que c’est juste le fait d’habiter dans une communauté où tout le monde est un peu ta sœur, ton cousin germain, ta tante, l’ex de ton frère ou une ennemie de longue date… Dans un si petit bassin de population, moi aussi je capoterais si j’étais en amour et puis que mon chum cassait après un certain temps! Hey, il va être tout le temps dans mon champ de vision! Et puis où trouver un autre prétendant?? Inuit ou pas, à être dans cette situation, je capoterais, c’est sûr!

Donc, il y a des choses qui me surprennent, mais qui ne sont pas inuit pour autant. Je vais sûrement bloguer à cet effet, mais au moins, si je prends le temps d’y penser, je vais nommer les choses correctement. Pour pas faire du blogue d’anthropologue de salon… ou du jugement de valeurs puériles. Et ça, ça peut prendre du temps.

Mais pas trop de temps, j’espère. De mon aventure, celle pour laquelle j’ai signé un contrat, 1/10 est déjà terminée… Ouff, Le temps passe vite!! Mathieu, depuis 1 an en Australie, me l’a confirmé hier… on "chattait", tout bonnement, des deux extrémités de la Terre. Impressionnant quand même! Salut Mathieu, on s’appelle et on dîne… quand on sera dans le même bout de la planète!?

jeudi 18 septembre 2008

Épisode 12 La rrrroutine habituelle, quoi!



Autre prof, un bon matin : T’es au courant Marie? La cour est en ville aujourd’hui.
Moi (étonnée de tout, donc surprise de rien) : OK.
(Silence)
- C’est la cour itinérante du Québec, ils viennent à Quaqtaq 3 fois par année… À cause du mauvais temps qui empêche les avions d’atterrir régulièrement, c’est plus souvent 2 fois par année… Alors, ça fait des journées très chargées! Fait que, ça veut dire que la majorité de tes élèves ne seront pas en classe aujourd’hui.
- Ah bon! OK.
- Ouais… tous les jeunes ont un parent/un frère/une sœur/un proche/eux-mêmes convoqués pour témoigner ou pour être accusés. Ceux qui seront en classe n’auront pas la tête à travailler, alors fais ton possible, juste pour les occuper!
- Oôôk…
- La cour s’installe dans le gymnase, il y aura beaucoup de monde dans l’école. Tu devrais t’arranger pour garder les quelques élèves qui tu auras avec toi pour la récré. Garde-les en classe, fais-les jouer à des jeux.
- Des jeux? Pas sure d’en avoir, mais OK, OK…
(Photo : révision du plan cartésien à la manière du jeu de Battle ship que j’ai fabriqué en 15 minutes! Pas pire!)

- Oh, et en passant, le dentiste sera au village demain. La majorité des élèves vont sûrement aller le voir…

La rrrroutine habituelle, quoi???? La routine, quelle routine??

Et débarquent les avocats en toge qui tiennent des séances d’aide juridique dans la bibliothèque, le juge dans le gymnase, le dentiste en sarrau au CLSC, les militaires en tenue de combat nordique au magasin général et autres groupes de chasseurs plus ou moins traditionnels en attirail de survie dans la toundra… Tous les jours, il y a quelque chose, dans la communauté ou carrément dans l’école; tous les jours, il manque des élèves en classe, avec de très bonnes raisons.

De plus, tous les jours sont soit un début de semaine (il faut se remettre de la semaine de pêche), un milieu de semaine (mercredi, difficile pour tout le monde, à St-Hubert ou à Quaqtaq) ou proche de la fin de semaine (faut pas trop en demander à l’approche du party qui se prépare). Tous les jours, une raison…

Et tous les jours, il y a aussi les absents sans aucune raison, parce que le réveil n’a pas sonné (un réveil, c’est quoi un réveil?), parce que l’asphaltage a été terminé dans le village (presque les 4km au complet!), parce que le lendemain de brosse est un peu trop difficile (la brosse des parents ou celle des élèves eux-mêmes)… tous les jours de mauvaises raisons.
De raison en raison, on enseigne tous ici sans routine, sans plan de vol. De jour en jour, je fais mon possible, je tente d’amuser mes ados en classe en faisant ce qu’on peut dans le contexte de l’isolement nordique qui, jamais au grand jamais, je rime avec prévisibilité!

D’ailleurs, à la grande surprise de tous, incluant les aînés du village, mercredi le 17 septembre, on a eu un blizzard. La neige, c’est impressionnant, mais comme il ne fait pas très froid, elle est mouillée et lourde, alors il n’y a pas trop de poudrerie. Mais le vent… le vent qui fait trembler ma maison. Ça me demande un peu de sang-froid de taper ce texte de manière concentrée… Oh… ma commande d’épicerie ne pourra sûrement pas m’être livrée demain, l’avion ne pourra certainement pas atterrir avant le retour au calme plat… C’est ça, le Nord! J’adore!

jeudi 11 septembre 2008

Épisode 11 Ce que je mange

La question de la semaine dernière, posée par Elaine, a réveillé chez vous, chers lecteurs, une passion intense et une curiosité maladive pour mon alimentation. J’ai reçu des tonnes de courriel me demandant, tour à tour, si je mangeais équilibré, si je mangeais assez et même si je mangeais tout court…

Ne vous en faites pas : les employés de la commission scolaire Kativik mangent! Et ils mangent, en grande partie, la même chose que vous pour la simple et bonne raison qu’ils font leur épicerie à la même place. Ce n’est pas une figure de style, je passe ma commande chez Métro, celui de Valleyfield. Il y a toutefois deux différences notables entre nos manières de faire l’épicerie.

Premièrement, je fais l’épicerie par fax.

C’est simple! Je peux commander tout ce qui se trouve dans le magasin, des produits laitiers, aux fruits et légumes, à la charcuterie en passant par les éternels magasines à côté de la caisse. Mais ça demande un peu de stratégie.

Si je veux un item que je connais, c’est facile : 2 kg de filet de porc ou 3 conserves de thon pâle dans l’eau. Une autre tactique très efficace est de se fier à la circulaire qui nous est livrée à l’école, laissée à vue dans la salle des profs. On a accès aux spéciaux comme tout le monde!

Par contre, ça devient un peu plus compliqué quand l’article que j’ai en tête n’est pas tout à fait précis.

Exemple : « euh… 2kg??? de clémentines » (ça fait vraiment pas beaucoup de clémentines, 2kg)
« recharge de savon à main liquide qui sent bon » (ouache, ils m’ont envoyé un truc au melon d’eau chimique…)
ou
« bonbons emballés individuellement qui sonnent comme « Raison » mais c’est sûrement pas comme ça que ça s’écrit ça n’a pas de bon sens qu’un bonbon s’appelle comme ça…»

C’est vraiment ce que j’ai écrit et, étonnement, j’ai reçu la bonne affaire! Ce qui n’est pas tout le temps le cas : j’ai commandé « 2 boîtes de pop corn micro-ondes sans gras ». J’en ai reçu une, tel qu’indiqué, et une autre, « extra beurre »…

Aussi, si un item est en rupture de stock, ce n’est qu’à la livraison de la commande que j’en suis informée. Dommage si c’est un ingrédient important d’une recette que je prévoyais me concocter!

Deuxième différence, je reçois ma commande par avion, avec un délai de 5 jours.

Encore de la stratégie, si je manque de quelque chose aujourd’hui, la journée de la commande est le dimanche et je ne reçois mes choses que le jeudi. Faut être très organisé.

La commande est emballée à l’épicerie, livrée à l’aéroport dans un camion réfrigéré. De là, elle prend l’avion, réfrigéré lui aussi, et puis de l’aéroport de Quaqtaq, c’est livré jusqu’à chez moi. Si je suis à la maison, c’est tiguidou! Par contre, si je n’y suis pas, c’est laissé devant ma porte. Le problème n’est pas la conservation, de ces temps-ci, il fait aussi froid dehors que dans un réfrigérateur, et bientôt, ça va plutôt être comparable au congélateur. Le problème c’est les chiens du village qui semblent aimer le popcorn.

Mais je ne sais pas s’ils le préfèrent « sans gras » ou « extra beurre »…
; )

La livraison n’est jamais « gratuite les mercredis »… En fait, la livraison coûte très cher, mais une partie est remboursée, à titre d’avantage social, par mon employeur. Pour les petits imprévus, il y a toujours la Coop, le magasin général de la communauté, mais la disponibilité des produits est limitée et les prix exorbitants. 2,12$ la cannette de boisson gazeuse, 4$ le casseau de champignons.

Salut, faut que je pense à ma prochaine campagne militaire de commande de bouffe, mes réserves de café sont un peu trop basses pour une semaine d’enseignement sur tous les fronts!

(Dans un prochain épisode : Ce que les Inuit mangent).