jeudi 13 novembre 2008

Épisode 20 Le marché de l’art

Pour acheter de l’art inuit, il y a deux options.

La première est relativement facile pour tout le monde. Il suffit de se rendre dans une galerie spécialisée du Vieux-Montréal et de transiger avec des marchands d’art. Ils ont de belles pièces authentiques, transportées du Nord dans des caissons bien matelassés, présentées dans des vitrines super éclairées. On trouve bien sûr des sculptures et quelques couvertures, des peaux tannées et d’autres objets si particuliers à la culture du peuple du Nord.

On peut trouver de tout! Mais à un seul prix : excessivement cher.

La deuxième option pour acheter de l’art inuit implique de déménager dans le Nord. Moins évident que l’option de magasinage fancy dans le Vieux, mais la facilité de la suite des opérations vaut la peine d’être entendue. Inévitablement, pas longtemps après votre déménagement, quelqu’un va venir cogner à la porte de votre maison nordique pour proposer ses œuvres.

J’ai vu de tout passer dans mon entrée : des boucles d’oreilles en ivoire de narval, des pendentifs en pierre de la couleur de la toundra, des broches de toutes sortes. Je me suis acheté une bague en forme de béluga sculpté dans un bois de caribou. Elle est très belle; beaucoup de mes collègues en sont jaloux. Je suis d’autant plus contente de me l’être procurée qu’elle a été faite par un de mes élèves de secondaire 4, Sammy, dans son cours de culture inuit. Il l’a faite, il a prouvé ses compétences, il a eu une bonne note et il est allé faire fructifier son projet d’étape chez son enseignante. C’est ce qu’on appelle dans le jargon de l’éducation une « situation authentique », c'est-à-dire un projet scolaire qui demande du travail personnel dans une tâche qui trouve écho à l’extérieur des murs de l’école! Très « réforme », le cours de tradition inuit!

On est bien sûr venu me proposer des sculptures, surtout de la pierre à savon, de petite taille. Je suis toujours surprise :

- (knock, knock) You want to buy carving?
- Yes, heu… where is it?
- Here!

Et on sort un morse ou un pêcheur traditionnel d’une poche de manteau!

Je me suis acheté deux sculptures déjà, un phoque façonné par un professionnel et un inukshuk, la première sculpture à vie de Pauluse, un élève du primaire. Si on est habitué de voir de l’art enfantin, c’est généralement du dessin, de la peinture ou du papier mâché. Je trouve cette sculpture naïve, un homme de pierre au bras visiblement recollé, très sympathique!

On peut se voir offrir de tout! Mais à un seul prix : pas mal cher.

Le coût de la vie ici explique en partie les centaines de dollars qui se transigent dans les portiques. La demande aussi conserve les prix relativement hauts, parce que ce ne sont pas que les étrangers qui s’offrent des beaux bibelots et autres breloques. Les Inuit s’en procurent aussi beaucoup. Les femmes, surtout, arborent en tout temps des bijoux artisanaux d’une grande beauté.

La difficulté de cette méthode d’achat, c’est de prendre une décision spontanée. Acheter ou ne pas acheter, garder ou laisser passer. Pas de réservations. Négocier un peu. Payer cash et sur-le-champ. Pas de politique de remboursement si le lendemain, on vient proposer une sculpture qui conviendrait mieux comme cadeau de Noël pour les beaux-parents! Si je ne la prends pas, cette paire de boucles d'oreille, il se peut très bien que je les vois portées par une collègue dans les jours suivants.

Il existe bien une autre méthode pour se procurer de l’art inuit, mais celle-là est très difficile à prévoir... Trop imprévisible, bien que j'ai eu de la chance sans le savoir! Pour cet accès particulier au marché d'art inuit, il faut déménager dans le village où il y a la convention annuelle des artisans (sculpteurs, gaveurs, illustrateurs, brodeurs). À la fin de leurs trois semaines de formations et de motivation, ils exposent leurs œuvres, de petites, mais aussi de très grosses que l’on voit beaucoup plus rarement. Une chance unique de trouver des pièces qui ne seront jamais présentées aux acheteurs de Montréal. Je ne m’y suis acheté qu’un collier, une griffe d’ours polaire montée sur une pierre verte. De toute beauté!

J’ai vu toutes sortes d’œuvres extraordinaires! Mais à un seul prix : très cher.

2 commentaires:

Elias a dit...

Un autre épisode, une autre surprise. Que de choses à découvrir sur un petit coin du monde!

Lud. a dit...

Waw, toute une aventure, celle d'enseigner «dans le grand nord»! Je découvre ton blog avec plaisir et avec un désir d'aventure. C'est vraiment super de partager cette expérience! Merci!