jeudi 25 juin 2009

Épisode 50 Conclusion “with a twist”

Chers parents, amis et autres lecteurs tombés sur ce blogue par hasard,
salut!

Je m’apprête aujourd’hui à publier pour la dernière fois une chronique nordique sur ce blogue.

Ça fait maintenant un an que je transmets nouvelles, anecdotes, analyses sociales-de-salon et autres petites histoires de ma vie d’enseignante dans le Grand-Nord québécois. Mon aventure est maintenant terminée. J’avais accepté de faire un remplacement de congé de maternité. Catherine, l’enseignante remplacée, est revenue bien en forme à la fin de l’année (elle a occupé les fonctions de prof d’éducation physique à son retour, me laissant la possibilité de terminer l’année scolaire avec les jeunes). Elle reprend son poste en septembre, ce qui est tout à fait légitime. Moi, j’ai rempli mon mandat et j’en suis très fière! J’ai vendu pas mal d’affaires, j’ai remplis quelques boîtes et je me suis présentée à l’aéroport à l’heure indiquée. Exportée au Sud, à la rencontre d’autres aventures dans la diversité des découvertes que j’ai encore à faire.

Cette année a été exceptionnelle!

J’ai vécu des moments bien difficiles : les mariages des amis et les exploits de croissance de leurs enfants auxquels je n’ai assisté qu’à distance, des réflexions existentielles qui m’ont fait pleurer, des réalités que mes élèves ont à affronter qui me paraissaient injustes. Mais ces défis étaient plus que compensés par de très belles rencontres, les petites victoires de l’enseignement, les longs moments de solitude dont j’ai profité et la beauté du paysage dont je me suis enivrée.

Est-ce que j’aurais pu rester au Nord? Bien sûr! Les besoins en enseignants à la Commission scolaire Kativik sont importants. Pour les formalités, j’aurais facilement pu trouver à me placer dans la même école (à dispenser des cours différents) ou dans d’autres villages. De nombreux postes sont laissés vacants à la fin de chaque année scolaire. La vie, par contre, n’est pas QUE stratégie de placement professionnel. La maîtrise en enseignement au secondaire qui me tient à cœur (parce qu’elle me donnera bientôt le VRAI brevet d’enseignante auquel je tiens tant) exige des particularités bien difficiles à mettre ne place dans le contexte nordique. Mes amis, ma famille, le cinéma et les évènements électroniques les plus proches sont bien loin de Quaqtaq. Et puis, pendant que moi je foule la toundra et j’observe mes ados et les autres Inuit dans toutes leurs splendeurs, je sais que mon amoureux m’attend à l’aéroport et que nous avons encore beaucoup d’autres aventures à vivre ensemble, même si, des fois, c’est géographiquement éloigné.

Question rédaction : je suis très contente d’avoir suivi les lignes de conduites que je m’étais édictée au départ sur ce blogue.

  • J’ai blogué toutes les semaines!
  • J’ai illustré mes histoires du mieux que j’ai pu par des photos et autres hyperliens.
  • (une règle que je n’avais pas écrite, mais qui me tenait bien à cœur) je ne me suis pas plaint de la température une seule fois!!
  • Finalement, ce blogue, il a un début et il aura une fin… mais ce n’est pas tout à fait aujourd’hui…

Ne vous méprenez pas, je respecte ma parole au pied de la lettre : personnellement je prends à l’instant ma retraite de la rédaction des chroniques de Aboumrad dans le Nord. Par contre, ce blogue continuera à être mis à jour régulièrement. Je vous ai déjà mentionné que ma petite sœur, photographe de sa profession, est venue me rencontrer à Quaqtaq durant les trois dernières semaines de ma vie nordique. Elle y est encore. Catherine Aboumrad se promène, est rendue dans la baie d’Hudson et prendra la relève visuelle de ce blogue qui sera augmenté d’au moins une de ses belles œuvres à toutes les semaines.

C’est la fin d’Aboumrad dans le Nord, Vive Aboumrad dans le Nord!

Merci beaucoup de votre amitié, aussi virtuelle soit-elle, elle m’a accompagnée toute l’année; elle est palpable, elle est réelle.

Salutations pleines d’émotions de mon salon du Plateau.

Marie Aboumrad,
Biologiste, enseignante et blogueuse en congé, celle qui revient du Nord.

PS Merci Audrey de demander de mes nouvelles pour l’an prochain. Je n’ai pas encore de projet… alors si un directeur d’école secondaire de la région de Montréal se cherche une professeure de sciences engagée, une enseignante « with a twist », passez-moi un coup de courriel!

jeudi 18 juin 2009

Épisode 49 Paroxysme

L’année scolaire tire à sa fin et, plutôt que de s’étirer dans un decrescendo tranquille vers des vacances reposantes, elle s’avère être une explosion de toutes sortes de sensations intenses.





Après plusieurs semaines de grisaille et de brouillard : le ciel est enfin bleu. Nous ressemblons tous à une gang d’aveugles qui retrouvons simultanément la vue! L’été est lent à arriver, mais les coups de soleil prouvent que la température permet de rester dehors des jours entiers et la lumière est assez éblouissante pour obtenir un beau bronzage en raton laveur (avec le cerne des verres fumés imprimé au dessus du nez). La succession du jour et du jour y est pour beaucoup.



La nature, dont le seul bruit d’hiver était celui du vent, se fait de plus en plus musicale. Elle est agrémentée des chants de petits moineaux blancs, des cris des bernaches en migration et, depuis 1 semaine à peine, du ricanement de la rivière qui dégèle et qui coule à travers le village. L’eau liquide, c’est une symphonie constante, entrecoupée de pétarades des moteurs de scooters des ados contents de les sortir de leur remise.



L’odeur organique du tapis végétal remplit les narines d’un parfum absent depuis des mois. C’est étourdissant de retrouver l’odorat, ayant presque oublié ce sens dans l’immensité aseptisée par les grands froids.




Les poissons sont pêchés en abondance. Ils sont bons. Un béluga a été abattu hier au petit matin. Difficile à mastiquer, faut être habitué, mais pas mauvais au goût. « Mamartouk », ça veut dire que c’est bon; « mamartou marialouk », c’est très bon.






Les élèves, libérés d’avoir à apprendre, sont enclins à plus de câlins. Je n’ai plus une course à faire dans le village sans que l’un d’entre eux ne s’arrête pour m’offrir un « lift », absolument pas intimidé par le contact physique nécessaire pour monter à plusieurs sur leurs minuscules bolides à 2 ou à 4 roues.



Et puis, pour moi, le temps passe vite, de plus en plus vite. Il ne me reste que quelques jours dans le Nord. Je suis étourdie à l’idée d’en profiter au maximum. Il y a eu le pique-nique de l’école : une belle fête avec les élèves au beau milieu de nulle part. Il y a eu une dernière marche avec les copines. Puis il y a eu mon petit rave personnel, l’euphorie de marcher, de courir, de danser, toute seule dans la toundra, la musique de mon iPod chamanique dans le tapis.
Le Grand-Nord, un désert vide?
Oui, mais ironiquement rempli de sensations de plus en plus fortes. Je quitte dans 3 jours, avec le solstice comme décor du dernier acte.
Bientôt, la tombée du rideau.

mardi 16 juin 2009

Interlude Une année scolaire



Il ne reste qu'un examen à corriger et à archiver. Puis pique-nique, bulletins et Olympiades...


2008-2009 est bientôt terminée, ce sera les vacances bien méritées pour les élèves... et leurs enseignants!

samedi 13 juin 2009

Interlude Class of 2009

Nous avons eu hier, la cérémonie de remise du diplôme. Une seule élève, du secteur anglais, terminait son secondaire 5 cette année. C’est exceptionnel! Il s’agit, en effet, de la première fois dans les 4 dernières années scolaires qu’un tel évènement avait lieu à Quaqtaq.

Au Nunavik, où le taux d'abandon frôle les 95%, toute la communauté est venue applaudir avec émotion la détermination de Rhoda à terminer ses études secondaires malgré nombreuses embûches.

Bonne chance dans la poursuite de tes projets, Rhoda!

Aucun de mes élèves du secteur français au secondaire ne pouvait obtenir son diplôme cette année. Possiblement, deux l’auront en juin prochain!

Lâchez surtout pas, Sepora et Elisapie!
Vous y êtes presque!!

jeudi 11 juin 2009

Épisode 48 Faut pas vendre la peau de l’ours (polaire) avant de l’avoir tué

C’est la saison de la chasse à l’oie, de la fonte de la neige et des finales de la coupe Stanley. Dans le calendrier scolaire, c’est surtout l’époque des évaluations qui retient l’attention. À Quaqtaq comme à Tombouctou, les examens annoncent la fin de l’année.

Je m’apprêtais, cette semaine, à faire une première conclusion de mon aventure au Nord quand, de manière complètement étourdissante, je me rends compte que je ne suis pas à au bout des surprises. Dans notre village de 350 âmes isolées dans le fin fond de la toundra, je suis (encore une fois) renversée! Tout est fascinant. Dimitri a raison : je voulais parler des forces de l’ordre en terre nordique, je n’ai pas encore abordé la question. Je n’ai pas su parler de la problématique du suicide. Je vous ai au moins parlé de la radio et, justement lundi, j’y ai compris que le soir même il y a eu au centre communautaire (qui est aussi le gymnase de l’école) un lancement de livre. Rien de moins. Ici à Quaqtaq.

Toute la journée, il n’a été question que de cet évènement. « Père Dion s’en vient. » « Père Dion vient nous rendre visite. » « Il vient avec mon ancien professeur de français qui a écrit sa vie dans un livre! ». On se rassemblait pour recevoir cet invité de marque, avec comme prétexte de présenter la version anglophone du livre de Raymonde Haché, la biographie du Père Dion, 50 ans au-dessous de zéro.

Père Dion est dans le Nord depuis des décennies. Il a passé 9 ans à Quaqtaq même, dans les années 60. Petit, vieux mais sans âge, s’adressant à l’assemblée dans un Inuktitut fluide, Père Dion a été accueilli avec beaucoup d’amour. Il a pris la parole, l'auteure, Mme Haché, et une autre ancienne enseignante de Quaqtaq aussi. On les a écoutés. Ceux qui les ont connus; leurs enfants et leurs petits-enfants avec eux. Puis, on a invité les personnes présentes à leur poser des questions.

Et c’est là que j’ai été soulevée de ma chaise. Non seulement parce que je suis spontanément allée prendre dans mes bras le bébé d’une jeune maman qui avait deux autres bambins à s’occuper, mais surtout parce que ce dont il a été question pendant deux heures était hors de ce que j’aurais pu imaginer. Alors que dans mon village, le Quaqtaq que je connais, personne ne marche entre deux maisons (faut absolument un engin à moteur! Scooter, Honda, Skidoo…), alors que mes élèves ne savent pas les rudiments de la construction d’un inukshuk, alors qu’on ne fait que parler habituellement de problèmes de la modernité, on a passé la soirée à parler d’un autre monde, il y a quelques années à peine. Le Père Dion a raconté qu’il devait tasser les chiens qui bloquaient les entrées des igloos pour aller visiter les familles du coin. On a parlé des bonbons qui étaient donnés à la fin de la messe catholique (et qui attirait les enfants, plus qu’à la mission protestante!). Et surtout : on a conté tous les souvenirs collectifs de l’extraordinaire sirop contre la toux qui semblait être très apprécié, autant pour ses vertus médicinales que pour son bon goût! Quelle merveille que ce sirop.

J’ai vu tous les aînés du village, des vieillards, fin-soixantaine tout au plus, qui sont nés dans l’univers de neige, avant que le village de maisons n’existe tel qu’on le connaît maintenant. Ils se sont succédé au micro pour remercier Père Dion de les avoir laissé jouer, enfants, à la mission catholique (alors, la plus grande habitation du village). Ils ont posé des questions; ils ont surtout conté des souvenirs. Moments magiques, heureusement traduits de manière à ce que les autres, les profs qui se font souvent rabrouer, les missionnaires qui se font reprocher la sévérité, les infirmières qui ne sont qu’à moitié écoutées, tous ceux-là, ont aussi senti l’importance que nous avons dans l’âme du village, malgré toute la confusion entre tradition et modernité. La très grande majorité d’entre nous n’auront jamais le quart de la moitié de l’influence de Père Dion, mais nous laissons notre trace. De la même manière, nos élèves et nos patients laissent la leur dans nos histoires.

***

- Monique Payette?? Marie, tu es la fille de Monique Payette, l’infirmière? Pourquoi ne l’as-tu as dit avant?

- Ben… J’étais gênée. Peut-être que vous vous en vous en souvenez pas, de ma mère qui a fait le tour des villages du Nord au début des années 1970 pour recenser la tuberculose. Ça prenait les histoires de l’ancien temps du Père Dion pour me convaincre de lui montrer les photos sur lesquelles il est posé; de vous les montrer aussi, mais vous, je ne serais pas capable de vous identifier, il n’y a que des visages d’enfants emmitouflés dans de la fourrure sur les photos!

- Et tu as les photos de ta mère? Wow! C’est mon oncle sur celle-ci! Il est décédé maintenant, mais que je suis contente de le revoir! Je ne pensais pas qu’il avait été pris en photo de sa vie! Et ça, c’est Pasha!! Et sur celle-là, c’est nous! Tu lui diras à ta mère, Monique Payette, qu’elle et toi, Marie, vous serez toujours les bienvenues à Quaqtaq. »

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Mon aventure n’est pas terminée. Et elle est incroyablement tissée à cette soirée de souvenirs, qui pour moi, rappelle les soirées à parler à Maman de l’hôpital de Fort Chimo (maintenant Kuujjuaq), du Soleil de minuit et des évacuations de malades dans les blizzards du Nord-du-Québec.

Tant que je ne serais pas dans l’avion pour redescendre dans le Sud, je ne pourrai pas conclure mon aventure.

Et encore…

mercredi 10 juin 2009

Interlude Photo de radio

Catherine Aboumrad, Quaqtaq, le 9 juin 2009.

Écouter la FM à la Coop.

jeudi 4 juin 2009

Épisode 47 Difficile de prendre des ondes radio en photo

Il existe une particularité de la vie des communautés du Nunavik à propos de laquelle je n’ai pas encore réussi à écrire, entre autres parce que je ne saurais pas comment la photographier. Il s’agit de la radio.

Chaque communauté est dotée d’un poste de radio local, tout simplement identifié dans le langage courant comme « La FM », parce que c’est pas mal la seule chose qui soit puisse être syntonisée. La FM joue constamment la majorité des maisons et dans tous les lieux publics : la salle des profs, à la Coop, à la municipalité…

L’unique émission dure toute la journée. La musique est presque exclusivement du country, ce qui me semble être tout le temps la même pièce d’accordéon... La ligne est systématiquement ouverte et les nouvelles sont données autant en général que sur une base individuelle. Le tout en inuktitut, quelques fois traduit en anglais pour les nouvelles qui concerneraient aussi les halunaks.

Des exemples : on parle d'élections locales, de gestion municipale. On organise la partie de pêche annuelle à Robert's Lake. On a trouvé une life guard pour la piscine! Un prof s’absente à l’école (et il n’y a pas de suppléant), on appelle à la FM pour l’annoncer aux parents (et aux enfants!). Il y a un spectacle de danse à l'église. Quelqu’un fait une vente de garage, c’est dit et rappelé à la FM. Un évènement communautaire, une pêche miraculeuse, les résultats du Tundra Trot ou de quelque autre évènement sportif, une femme qui a eu une vision mystique : on en parle à la FM. On donne, sur une base quotidienne, des nouvelles d'un aîné qui est à l'hôpital à Montréal. Un bébé. Un décès. On cherche quelqu’un qui a un rendez-vous chez le médecin et qui ne s’est pas présenté : on le demande à la FM!

« Est-ce que Joe Snowball peut se rendre à la clinique S.V.P. » Mais Joe est parti à la chasse. Il va se trouver quelqu'un pour appeler l'infirmière et le lui dire (si ce n'est pas carrément en passant par la radio que l'infirmière apprend que Joe est à la chasse, avec qui il est parti, qu'est-ce qu'il a apporté comme réserve de munition, qu'est-ce qu'il s'attend à chasser et puis quand il compte revenir!).

Les nouvelles, les potins locaux, les annonces, demander pardon pour une inconduite... Tout est connu et discuté. Des fois, j'entends pleurer sans trop oser demander pourquoi. Quand ça chante "live", je demande une traduction. C’est généralement l'anniversaire de quelqu'un. Dans le temps des Fêtes, appeler les FM des autres communautés pour disperser publiquement les bons vœux à la famille élargie, c’est une activité consacrée.

La FM, c’est comme un gros interphone à la grandeur de la ville. On annonce, on appelle, on commente, on critique, on répète. Le téléphone-arabe, Inuit. C'est l'environnement sonore, le bruit de fond, la musique locale.

Informations et divertissements, la FM : dans d’autres villages, mais pas dans celui où je suis, il y a même le Bingo qui se joue à la radio. On achète les cartes au magasin local; on écoute les numéros tirés, chacun chez soi. Puis, au lieu de crier Bingo, on appelle à la FM pour réclamer son prix, cadeaux qui quelques fois peuvent être substantiels! On a joué pour un Pick up à Kuujjuak cet été!

J’imagine que toutes les familles ici ont le numéro de téléphone de la FM sur « speed dial ».

Hum… photo de radio à mettre sur mon blogue? Je ne sais pas comment illustrer la chose. Je vais mettre ma sœur, photographe de sa profession, en visite à Quaqtaq depuis lundi, sur la question. C’est à suivre!