jeudi 25 décembre 2008

Joyeux Noël

Ahhhhhhh, déjà jeudi!!
Je m'étais promis de bloguer sérieusement cette semaine mais tout va trop vite!
À peine débarquée de l'avion, le resto, les chums de filles, les chums de poker, l'électro dans le tapis, les amis, la familles, quelques petits cadeaux, une virée à la bibliothèque de l'UQAM pour préparer mes cours d'université de la session qui commence en janvier, dormir un petit peu (dormir?) et puis on est déjà jeudi...
Déjà!!??!!
C'est la que je me rends compte comment le rythme de ma vie à Quaqtaq est différent, que la solitude permet certaines routines que la foule, surtout la foule dont il faut profiter dans un court laps de temps, n'accorde pas.
Gros becs et Joyeux Noël!!

jeudi 18 décembre 2008

Épisode 25 Solstice d’hiver

Levée du Soleil. 8 :49. Coucher du Soleil. 14 :22.

Comme dans la file en attendant sa place dans un manège monstre de la Ronde, j’étais à la fois super excitée et excessivement terrorisée de vivre la grande noirceur. C’est impressionnant et encore plus difficile que je ne le croyais. C’est physique, le combat contre le sommeil qu’inspire la longue nuit.

Je me lève, il fait noir. Normal, je suis une lève-tôt. Alors pas de problème : j’en profite pour me mettre devant l’ordinateur et pianoter un petit peu. J’attends avant de me mettre en mode de jour.

Je me fais un (premier) café, il fait noir. Encore une fois, ça peut encore passer, tout dépend de l’heure où on fait ledit café… mais quand vient le temps du deuxième, ça serait la moindre des choses de voir quelques rayons à l’horizon. Et bien non!

Je me prépare pour aller enseigner, il fait… et oui, il fait noir! Pas le choix, faut y aller!

J’arrive tôt à l’école, pour profiter du photocopieur surexploité aux autres heures de la journée et je me dois d’allumer toutes les lumières de la salle des profs, de la salle d’informatique et de ma classe malgré ses immenses fenêtres… C’est encore la nuit.

Puis le matin.

Un faible Soleil à l’azimut. Quelquefois affaibli par une masse nuageuse qui cache les précieux rayons du jour. Certains jours, on a carrément l’impression qu.il n’y a pas de Soleil, comme l’après-midi de mes photos.

Puis, re-la-nuit.

Avoir à allumer les lumières de la classe en avant-dernière période parce que le soir tombe, c’est particulier. Rentrer et s’écraser quelques minutes en ayant la nette impression que c’est la nuit, c’est spécial. (Mais ça à le net avantage d’enlever toute culpabilité à avoir le goût de faire une sieste avant souper!)

Je comprends maintenant pourquoi, dans les maisons, il y a tant de plafonniers avec des ampoules hyper puissantes. C’est nécessaire! Certaines personnes ont avec eux des lampes solaires pour tromper leur corps et lui donner de l’énergie lumineuse artificielle. Je n’ai jamais considéré cet investissement. Je n’ai avec moi qu’un tube d’autobronzant qui donne bonne mine tout aussi artificielle à défaut de vitamine D. Les vitamines, j’en ai en pilules, les oméga 3, en gélules. Et malgré tout, c’est difficile.

Les Inuit ont traditionnellement beaucoup plus de sagesse par rapport à la grande noirceur : ils ne combattent pas le sommeil qui les attend. En fait, comme plusieurs peuples au diapason avec la nature, le sommeil est une fonction vitale qui ne doit pas être forcée. Quand on est fatigué, on dort. Quand on a fini de se reposer, on se réveille. Quand il fait trop noir pour chasser, on arrête.

Sauf que quand on continue à élever les enfants dans cet esprit là et que l’école commence à 9 h (aussi bien dire aux aurores!), ça donne quelques fois de drôles de résultats. Ce matin, je pensais écouter un film avec mes élèves, en récompense de leur bon travail des dernières semaines. Entrent en baillant aux corneilles, comme toujours. S’écrasent sur deux pupitres plutôt qu’un seul, comme toujours. En prime, ce matin, deux des trois élèves en classe se sont carrément endormis quand j’ai mis le DVD…Et je ne crois pas que ce soit mon choix de film…

Entre tradition, environnement extrême et obligations des horaires du monde occidental, il y a raison d’être un peu étourdi. Et tout le monde le sait, quand on est dépassé par les évènements, vaut mieux se reposer un peu. Après tout, la nuit porte conseil!

La nuit, il y en a beaucoup ici, en hiver.

***

Je quitte pour Montréal samedi matin pour 2 semaines de congé au « sud ».

J’ai très hâte de revoir ma famille et mes amis.

J’espère continuer à bloguer le jeudi comme d’habitude. Prochain épisode à Montréal donc. À bientôt, j’écrirai à la lumière du jour plus long (!) et dans la congestion routière! Oh, je m’ennuie un peu de lumières de circulation, des Tim Horton à tous les coins de rue, des coins de rues aussi, des cinémas, des boîtes de nuit… Ah, la musique électronique dans le tapis à 6 h! Ça va me faire changement du silence de la toundra et des quelques réveils en sursaut dus aux courses de skidoo dans le village en pleine nuit!

jeudi 11 décembre 2008

Épisode 24 Esprit des fêtes, es-tu là?

On était à peine entré en classe que mes élèves me demandaient déjà si je restais à Quaqtaq pour le temps de fêtes. Paraît-il que ce sont les plus belles célébrations de l’année! Il y a des spectacles, des danses, des grosses bouffes collectives, des compétitions de toutes sortes de jeux à l’extérieur. La municipalité orchestre le tout. Le monde est heureux, à Noël à Quaqtaq! Les jeunes avaient l’air presque déçu, alors qu’on se connaissait à peine, que je leur dise que je vais retourner voir ma famille et mes amis à Montréal, le 20 décembre.

Avec les semaines et les mois, malgré toutes les fois où je me fais traiter de « lukuapik » (c'est-à-dire « exigeante » en inuktitut) ou de « Marie Aboum-plate » (de tous les surnoms qu’on m’a donnés comme enseignante, c’est la première fois que je l’entends celui-là!), ils me demandent encore si je reste à Noël. « Ta famille, tes amis, ils peuvent venir à Quaqtaq, ils vont faire la fête aussi! Le plancher du gymnase de l’école tremble tellement on danse, c’est le fun!». Bon, je ne trouve pas que de faire vibrer le plancher du gymnase à trop danser soit une activité des plus sécuritaires… mais c’est très généreux de leur part de nous inviter tous ainsi! En fait, Noël ici, ça semble être la véritable célébration de la générosité.

J’ai demandé à mes élèves ce qu’ils voulaient pour Noël. J’ai obtenu très peu de réponses. Un peu comme si le concept de demander des bébelles n’était pas leur priorité. Ils recevront tous assurément des cadeaux, des bidules électroniques, des surprises. Ils se verront offrir aussi beaucoup de linge, peut-être un nouveau parka, une nassak (la tuque inuit crochetée), des mitaines cousues dans les dernières semaines. La fin de l’automne, c’est la saison de la couture pour les femmes inuit.

À 10 jours de la fin de l’école, ça commence à sentir la fin, leur élan de Noël est bien entamé.

Pour moi, par contre, je n’ai pas senti grand-chose dans les derniers jours.
C’est physique. Je ne me sens pas à Noël.

Je suis débarquée à Quaqtaq en plein milieu du mois d’août, il faisait 10oC : je me sentais en plein automne.
Le 17 septembre, on a eu notre première neige, c’est à ce moment que j’aurais décoré mon sapin! Mais il était un peu trop tôt et le sapin le plus proche, plutôt loin…
Maintenant, on est dans le froid et ça sent sec, ça sent mon février. Je suis déphasée avec la nature locale. En fait, pas juste avec la nature…

Il n’y a pas de centre d’achat, pas de musique d’ascenseur thématique (en fait, y’a pas d’ascenseur!), pas de poinsettias, pas de père Noël chez Jean-Coutu, pas de discussion à savoir si Noël c’est pas trop commercial. Il me manque à peu près tous mes repères culturels.

C’est beau, l’hiver nordique. Je vais bien! Mais j’ai pas un « feeling » de Noël.

Quoi que… on cogne à la porte…
« You want to buy carving? ». Non… pas cette sculpture-là… mais je pense à une autre que j’ai vue… peut-être que ça n’a pas encore été vendu?

Et c’est tout ce qu’il me fallait de commercial pour me faire plonger dans la folie du magasinage de Noël! Je veux offrir une petite pensée à ma sœur, une surprise pour un ami… Au beau milieu de la nature des plus aride, la plus calme et la plus sereine, j’ai découvert un nouveau mode de magasinage de Noël : le magasinage à l’envers.

« Oui, allo!! Sammy, Les boucles d’oreilles que tu es venu me montrer l’autre jour, est-ce que tu les as vendues? Non? Je veux te les acheter! »

Et voilà, petit à petit, j’achète des cadeaux, une nouvelle tuque, et puis l’euphorie me gagne. Et c’est très efficace, le magasinage à l’envers, pour des petits items en tout cas! Pour les plus gros, si j’avais voulu un parka par exemple, il aurait fallu que je m’y prenne d’avance, toutes les mamans n’en n’ont que pour les cadeaux de leurs propres enfants présentement. À l’heure où on se parle, ça coud! Et ça sculpte! Un véritable atelier, le village!

D’ailleurs, je suis pas mal convaincue : ça doit être comme ça qu’il fonctionne, le père Noël. Il doit appeler les artisans du coin et leur acheter des petits objets qui font plaisir!

Parce que tout le monde le sait : le père Noël habite très très proche de Quataq!

jeudi 4 décembre 2008

Épisode 23 Tout n’est pas rose dans le royaume du froid

Un gars, une pause cigarette.
Un gars, une pause cigarette durant la récréation.
Un gars, à peine adolescent, prend une pause cigarette durant la récréation.
Un garçon, à peine adolescent, prend une pause cigarette durant la récréation de son école primaire.
Plus la description se précise, plus l’image ne fait pas de sens. Pourtant, à tous les jours, la même vision.

Alors, go go go Marie, faut faire quelque chose.

Première tentative, appeler la police. Après tout, c’est illégal de donner des cigarettes à des mineurs. Faut arrêter quelqu’un!

-Allo, la police? Y’a tous les jours des jeunes (jeunes : en bas de 15 ans!) qui fument à l’école.
-Est-ce que les jeunes ont volé les cigarettes?
-Heu… non, je ne pense pas. C’est pas pour ça que j’appelle, c’est juste pour ne pas qu’ils fument. C’est pas bon pour leurs poumons!
-T’es nouvelle ici toi! Crois-moi, on a d’autres chats à fouetter que de faire la morale aux jeunes et à ceux qui leur achètent des cigarettes.

Bon, c’est malheureux, mais tout à fait légitime. Laissons la police s’occuper des drogues dures, de l’alcool destiné au marché local illicite et des autres délits routiniers.

Action-cigarette, faut pas s’arrêter pour si peu. Alors : rencontrer la travailleuse sociale pour lui en parler. Toc, toc, toc à la porte du bureau des services sociaux. Personne.
Ah… la travailleuse sociale vient d’être mutée dans un autre village sans remplacement pour l’instant dans la communauté ici. Ouff…

Ok, mon autre idée, c’est peut-être un peu fort, mais faire un signalement à la DPJ!
Euh… l’intervenant DPJ n’est plus là non plus. Personne pour le remplacer. Il faut directement se référer aux services sociaux à Kuujjuaq pour signaler les problèmes majeurs. Et il y a malheureusement pire qu’un enfant de 12 ans la cigarette au bec. Bon…

Faut pas lâcher! Continuer de discuter avec l’équipe d’employés de l’école et le directeur d’établissement : c’est illégal au Québec de fumer sur le terrain d’une école primaire ou secondaire, et ici, la même bâtisse abrite les deux à la fois… C’est doublement illégal donc.

-Mais… tu sais… on demande aux jeunes d’aller fumer au poteau de l’Hydro qui n’est pas, techniquement, sur le terrain de l’école…

Une enseignante d’expérience dans le Nord rajoute que les enfants accros qui n’ont pas leur « tube » à la récréation ne tiennent pas en place avant l’heure du lunch, faut donc être conciliant, autant se peut, faire avec les malheurs des coutumes locales.

Et puis il y a ce jeune, toujours la cigarette à la main nue, aujourd’hui avec ses deux mitaines, qui tente de marchander une cigarette à ses amis. Une cannette de boisson gazeuse contre une cigarette. Une palette de chocolat contre une cigarette. Il fini par trouver, il inhale.

-Pourtant, je t’ai vu souvent fumer, tu négocies toujours tes clopes comme ça?
-Non, d’habitude, ce sont mes parents qui me donnent mes cigarettes.
-Et puis, là ils ne t’en ont pas donné?
-Non, je suis en punition : ma mère ne veut pas me donner de cigarette pour une semaine.

Et ça c'est l'annecdote cigarette. Je pourrais répéter la même chronique pour l'absentéisme scholaire chronique (dès la 3ème année), l'impolitesse grave, le recours à la violence pour régler les conflits quotidiens, la manipulation affective et les idées suicidaires...

Comme enseignante, je fais ce que je peux.
Vaut mieux peu que pas du tout.
Mais des fois, ça semble presque rien.
Tout n’est pas rose dans le royaume du froid.
Les poumons sont noirs.

Les âmes aussi.