jeudi 31 juillet 2008

Épisode 5 Avant le départ : overdose de cinéma!

« Les étrangers qui montent dans le Nord braillent deux fois :
une première fois quand ils arrivent et une deuxième fois quand ils quittent. »

Ce n’est pas un dicton inuit. C’est un proverbe Ch’tis, du film. Le Nord dont il est question, c'est le Nord de la France...

C’est quand même pas mal la même chose pour l’Arctique. On pleure en arrivant. Tout le monde le dit. L’acclimatation est difficile. Je m’y attends, je m’y prépare : je lis beaucoup, des choses sur le Nord, sur l’enseignement.

Comment me préparer à me passer du cinéma? J'essaye d'en faire une overdose cet été pour être rassasiée avant de partir. La gentille fille aux drôles de lunettes du Cinéma du Parc va me manquer! Acheter les billets au guichet extérieur du cinéma Beaubien aussi!

Par contre, une année pas d’auto, pas de changer l’auto de bord de rue, pas de pelleter l’auto dans le banc de neige, pas de collision avec un troupeau d’autobus scolaire (ouais, bon… ça m’est arrivé, passons), pas de trouver du stationnement… tout ça : ça ne me manquera pas!

Pour tout le reste, il y a MasterCard,
acceptée dans tous les bons sites internet de commandes postales.

Mais, j'y pense, une fois en DVD, un film, ça s'envoie bien par la poste... hummm, il n'est peut-être pas nécessaire d'envisager un sevrage complet... ; )

jeudi 24 juillet 2008

Épisode 4 Le comment

Je suis allée à Kangirsuk en 1996. Jeune, voyageuse, j’ai répondu à une petite annonce de Chantier Jeunesse et ça m’a valu un été à clouer du bardeau sur un camp de chasse. On était une belle gang de bénévoles aventuriers et des Inuits de la communauté locale. Un été magique, ensoleillé presque 20 heures sur 24!

Depuis, je sais que je veux y retourner. Seul hic, c’est qu’on ne voyage pas dans le Nord comme on va à Cuba. Les transporteurs aériens ne font pas légion, les hôtels sont plutôt rares et les prix de ces quelques services, prohibitifs. Le tourisme dans le Nord n’est développé que pour les riches chasseurs et pour les sportifs super-extrêmes.

Alors, pour repartir, j’ai patienté et.... et je suis devenue enseignante, plutôt par hasard. J’ai rapidement réalisé que c’était une occasion d’aller à la rencontre du peuple du Nord, pour y pratiquer mon (encore un nouveau) métier. Wow! Quand même, deux fois dans une vie, je me considère très chanceuse!

Alors, enseigner dans le Nord? Comment s'y prendre? De la seule manière que je connaisse : de retour aux petites annonces (que je consulte maintenant en ligne, évolution technologique oblige!). Et puis, dans l’ordre :

  • un CV à la commission scolaire Kativik,
  • une entrevue (en français, en anglais et même un peu d’inuktitut),
  • un certificat de bonne conduite de la police,
  • mes bulletinS et diplômeS (c'est qu'il commmence à y en avoir beaucoup!),
  • un examen médical complet, bonne nouvelle : je n’ai pas la tuberculose,
  • une évaluation de ma santé mentale, question de savoir si je suis capable d’aller travailler en région isolée,
  • faire mes boîtes (clin d'oeil à mon monde d'André-Laurendeau et à notre incendie!)
  • un peu de contrariétés avec la direction de la titularisation du ministère pour obtenir le brevet d’enseignement (c’est quand même étonnant, j’ai plus de misère à obtenir ce fameux brevet que d’avoir un certificat de bonne santé mentale alors que j’ai l’impression de réclamer des autorisations dans l’administration des 12 travaux d’Astérix... : )
  • et le début d’une maîtrise en enseignement au secondaire plus tard (eh oui, encore des études... c’est mon karma!)

Mais… ce ne sont que de simples formalités, à peine différentes que si j'allais travailler à la polyvalente au coin de la rue. Je suis enseignante, je suis embauchée et je suis à veille de partir. Juste un peu plus loin, un peu plus froid, pas mal plus inuit qu'à l'école du coin.

Tout bonnement, j’ai reçu un courriel qui me dit à quelle heure je dois me pointer à l’aéroport.

Là, j’ai hâte!

jeudi 17 juillet 2008

Épisode 3 Le où et le quand



« Marie, j’ai regardé sur la carte.
Quaqtaq, c’est tellement haut : tu vas avoir le vertige! »


Quaqtaq. À prononcer Kouartak, ne me demandez pas pourquoi on écrit une chose et on en prononce une autre, ma connaissance de l’inuktitut est encore trop rudimentaire. Tout ce que je sais le nom veut dire « vers intestinal ». Yéé! N’empêche, ça me semble être un très joli village! 300quelques âmes, le nombre exact étant difficile à déterminer, toutes les sources que j’ai consultées donnent des chiffres différents. Quand je serai sur place, je compterai!


En cliquant sur la photo aérienne à gauche, vous aurez le lien GoogleMaps. Je vous indique quelques bâtiments mais je n’ai pas encore réussi à déterminer lequel des édifices visibles était la piscine (intérieure bien entendu) ni où était le centre de conditionnement physique. On connait mes priorités, j'ai peur de ne pas bouger de l'hiver dans ce froid! Il y a aussi 2 magasins généraux (où on peut acheter tout, des BigMacs surgelés aux pièces de rechange pour motoneiges), 2 églises, un poste de police, une infirmerie et un bâtiment d’administration municipale. On semble être bien servi à Quaqtaq!

Mais rien de tel que quelques photos, prises en hiver. Merci à cet autre blogueur, malheureusement anonyme.
http://quaqtaqinpics.blogspot.com/

Quand
L’année scolaire 2008-2009. Un an!

Oui : un an, un an scolaire, c’est le contrat que j’ai signé. Un remplacement de congé de maternité. Dans le Nord, comme dans le « Sud », c’est légitime de prendre l’année à laquelle on a le droit à la venue d’un enfant. Et pour remplacer ces nouvelles mamans, ça prend des profs pour prendre la relève! Les remplacements, je connais.

Je pars le 11 août. Je passe, avec tous les nouveaux enseignants embauchés cette année, une semaine d’orientation à Kuujjuaq. Le 18, je poursuivrai ma route pour Quaqtaq où je m’installerai pour l’année scolaire. J’enseignerai le français, l’histoire et la géographie aux secondaires 1 à 5 (répartis en 2 groupes). Je n’en sais pas beaucoup plus pour l’instant… Je vous dirai au fur et à mesure où j’apprends moi-même les choses!

Pas de stress. Je verrai en temps et lieu comment ça se déroulera! D’ici là, je profite de ce que la ville a de mieux à m’offrir : des festivals et des partys, la Grande Bibliothèque, le Cinéma du Parc et de la belle température! Viva les vacances, où qu’on les passe, Héhé!

jeudi 10 juillet 2008

Épisode 2 Le Pourquoi

La toundra et la culture électronique : même combat

Je pars dans le Nord, entre autres, pour répondre à l’appel de la nature. Oui, moi la biologiste-sociologue-enseignante assurément intellectuelle, qui vit dans la noirceur des cinémas répertoires, à l’aise entourée de béton armé et qui aime marcher en pleine ville, en pleine foule, j’ai une violente envie de me retrouver dans la Nature. Mais attention : pas n’importe laquelle. Je ne veux pas gambader avec des tresses de chaque côté de la tête, un tablier blanc sur une robe bleue, à la recherche de la petite maison dans la prairie. Je ne veux pas partir en Asie Mineure, m’entourer de jardin zen et de nénuphars géants, impressionnistes. Je veux de l’extrême, je veux de la roche, du froid. Je veux que la survie soit un combat : comme dans un rave.

Petite pause
Bon là, Maman, faut que je t’explique. Un rave, c’est un évènement de musique électronique qui rassemble une foule de personnes qui dansent très serrés au son de la musique générée par un artiste et son ordinateur. Entièrement synthétiques comme sons, on retient que la caractéristique principale est le rythme, incessant, intense, rapide, euphorisant. Après un certain temps, même sans alcool ni drogue, on a la tête qui tourne, un étourdissement profond. On est envahi par une sensation de force, de goût de bouger, de danser avec les milliers d’autres qui nous entourent, mais aussi, paradoxalement, une sensation de faiblesse, le sentiment d’être minuscule et assez facilement écrasable dans cette masse de monde et ce bruit aux limites de l’agression. J’adore! Un extrait musical:

Fin de l’interlude culturel.

Dans la toundra, c’est exactement la même chose. Je sais; j’y suis allée, à Kangirsuk en 1996. Avec la végétation à peine plus haute que le gazon sur un vert de golf bien entretenu, à peine es-tu sorti du village que tu es la chose la plus grande qui existe. En quelques minutes de marche, tu peux perdre le Nord, au sens propre comme au figuré! La tête t’enfle à penser que tu es un géant, tu veux courir, bouger, découvrir et, aussitôt cette réflexion en branle, tu es étourdi par ta propre fragilité, par l’insignifiance que tu représentes face aux vents, aux ours, aux nuages de maringouins, aux roches. Il faut avancer, marcher, ne pas s'arrêter ou c’est la fin. Il serait si facile de s’écraser, de se perdre. Assez intense, la vie d’Inuit! Le peuple du Nord a su cultiver à la fois cette force et cette modestie de la condition humaine pour s’épanouir dans cette nature où ne survit qu'un équilibre très particulier.

Et ça, ce n’est que mon expérience en été. Il paraît qu’en hiver, par une nuit sans vent, le silence est tel que tu peux entendre le rythme régulier, constant, mécanique, débilitant de tes propres battements cardiaques. On en aurait la tête qui tourne. Enivrant. Comme dans un rave quoi! Mais un rave où la solitude remplace la foule.

J’espère bien les entendre, mes percussions cardiaques… Sinon… dans le froid, dans la nuit, dans la toundra, je mettrai mon iPod dans le tapis pour joindre les deux mondes de l’étourdissement.

C’est mon petit côté chaman technologique!