jeudi 2 octobre 2008

Épisode 14 La question de l’eau

Mon ami Jonathan (en remplacement de mon ami Frank) a eu à enseigner cette semaine le pergélisol aux élèves d’une école secondaire de St-Hubert. Excellent! Je suis contente que cette notion géographique soit à l’étude! Ce sol représente une superficie importance du Canada dont il faut tenir compte pour avoir une bonne appréciation du territoire. C’est aussi un enjeu de taille dans le réchauffement climatique : la fonte du pergélisol libère une immense quantité de méthane, un gaz à effet de serre dangereux. Il y a beaucoup à lire sur le sujet. Mais, dans les manuels scolaires et sur l’internet, on parle peu DU problème associé à la vie moderne sur le sol gelé en permanence. Alors, dites-moi, chers lecteurs, quel est le VÉRITABLE problème à vouloir vivre confortablement sur le pergélisol?

a) On ne peut pas faire pousser une haie de cèdres autour de sa piscine creusée.

b) Comme on ne construit pas de fondation pour les maisons, il est impossible d’avoir une cave à vin dans la cave, parce qu’il n’y a pas de cave.

c) Personne n’a accès à un puits artésien ni n’a de fosse septique (les deux seraient tout le temps gelé!).

Bon, bien sûr, toutes ses réponses sont bonnes; le confort ici ne se compare pas à la vie dans un du bungalow de Brossard. Mais la pire des situations d’après moi, celle dont on ne parle jamais, c’est l’absence de canalisation sous-terraines dans les villages nordiques.

Pas d’entrée d’eau courante par le sol, pas de sortie des eaux usées cachée.

A-t-on l’eau courante? Dans la maison : oui. Chaque maison est munie d’un gros réservoir d’eau potable qui circule à l’aide d’une pompe électrique. Chaque maison est aussi munie d’un gros réservoir des eaux usées, une espèce de fosse septique intérieure. Chaque jour, un camion-citerne vient remplir le premier réservoir à partir de la station de traitement d’un lac propre du coin. Chaque jour, un (autre!) camion-citerne vient vider le second réservoir pour conduire son contenu à la station d’épuration sur le bord de la mer. Mais ces opérations ne sont pas simultanées. Alors si le premier réservoir est vide : on manque d’eau. Si le deuxième réservoir est plein, l’eau est coupée dans la maison pour ne pas avoir de refoulement. Est-ce que ces réservoirs sont gigantesques? Non. Faut faire attention à l’utilisation de l’eau, à chaque seconde, à chaque goutte.

La vaisselle : on remplit un évier et on essaye de faire toute la vaisselle de la journée avec. On réchauffe un peu au besoin.
La douche : on se mouille. On ferme l’eau. On se savonne. On rouvre les robinets et on se rince. Possible de se laver (corps et cheveux longs) avec moins de 10L en faisant attention, revitalisant sans rinçage aidant! Douche aux deux jours si possible. (Il y a une autre raison pour la douche aux deux jours, j’en reparlerai dans une autre chronique).
La lessive : au minimum. Pas de brassée pour un morceau de linge tout seul.
Le lave-vaisselle : on n’y pense même pas… quoique mon ami Sunshine à Kuujjuaq en a un petit!

La toilette : la toilette… Ah, la toilette! Certaines maisons ont des toilettes conventionnelles, très grandes consommatrices d’eau. Ma maison est munie d’une toilette super simple, mais dont la technologie gagne à être connue. Ça ressemble à une toilette d’avion sans réservoir avec la possibilité d’utiliser la quantité d’eau voulue selon les besoins du moment. Efficace. (Envoyez-moi un courriel pour plus de détails sur le fonctionnement de ma toilette, mais je sais que certaines personnes ne trouvent pas ça chic de parler toilette dans un blogue bien : )

Le dimanche? Pas de livraison d’eau.
En cas de tempête de neige majeure? Pas de livraison d’eau.
En cas de panne de courant? Pas de pression dans la tuyauterie intérieure, donc pas d’eau…
À l’école? Aussi le système de réservoirs d’eau propre et d’eaux usées! Dans tous les bâtiments, ça fonctionne comme ça.

L’eau devient une préoccupation constante. Pas angoissante, pas désagréable une fois les habitudes implantées, mais une préoccupation constante tout de même.

Et oui, quand le camion de « sewage » passe, ça pue!
Est-ce qu'on nous apprend ça à l'école?

5 commentaires:

Elias a dit...

Il faut croire que tes élèves aiment beaucoup la pizza, ils s'en déjà mérité une. Bon appétit.

D'une fois à l'autre, je suis toujours surpris d'apprendre des nouvelles choses sur la vie dans le grand Nord.

dimitridf a dit...

Marie, merci pour ces détails. Pour nous s'en est, des détails, mais pour vous, cela donne forme à votre quotidien. Il est donc intéressant de découvrir tous ces aspects insoupçonnés. Je t'encourage donc à continuer sur cette voie.
Il n'y a pas assez de pluie pour songer à utiliser cette eau de pluie au moins pour les toilettes? Car si je comprends bien, ta douche et ton WC gaspillent de l'eau potable...

Anonyme a dit...

Tes sujets m'ont toujours intrigués!
Vraiment c'est intéressant!

Catherine et Marie Aboumrad a dit...

Ton idée est géniale Dimitri! Mais tu as aussi un élément de réponse dans ta question : il ne pleut ici que de fin-juin à la mi-septembre... le reste du temps, il neige! Et, je ne crois pas que ce soit efficace d'avoir un système pour faire fondre la neige pour les toilettes... Ça consommerait beaucoup d’énergie! Aussi bien n’avoir qu’un circuit d’eau dans la maison… Donc, oui, ça prend de l'eau du réservoir à eau "potable"... Un détail que je n'ai pas mentionné c'est que cette eau n'est pas « super » potable, les réservoirs ne sont pavés qu’une fois par an… et encore... On est donc en "avis d'ébullition" constant. En plus, je passe toute eau à boire au pichet britta. C'est que ça occupe!!

Anonyme a dit...

Ta toilette utilise la technologie VacuFlush et c'est expliqué par un animation disponible à www.sealandtechnology.com/vf.asp

Tu écris bien, bravo.

Laurent