Chaque communauté est dotée d’un poste de radio local, tout simplement identifié dans le langage courant comme « La FM », parce que c’est pas mal la seule chose qui soit puisse être syntonisée. La FM joue constamment la majorité des maisons et dans tous les lieux publics : la salle des profs, à la Coop, à la municipalité…
L’unique émission dure toute la journée. La musique est presque exclusivement du country, ce qui me semble être tout le temps la même pièce d’accordéon... La ligne est systématiquement ouverte et les nouvelles sont données autant en général que sur une base individuelle. Le tout en inuktitut, quelques fois traduit en anglais pour les nouvelles qui concerneraient aussi les halunaks.
Des exemples : on parle d'élections locales, de gestion municipale. On organise la partie de pêche annuelle à Robert's Lake. On a trouvé une life guard pour la piscine! Un prof s’absente à l’école (et il n’y a pas de suppléant), on appelle à la FM pour l’annoncer aux parents (et aux enfants!). Il y a un spectacle de danse à l'église. Quelqu’un fait une vente de garage, c’est dit et rappelé à la FM. Un évènement communautaire, une pêche miraculeuse, les résultats du Tundra Trot ou de quelque autre évènement sportif, une femme qui a eu une vision mystique : on en parle à la FM. On donne, sur une base quotidienne, des nouvelles d'un aîné qui est à l'hôpital à Montréal. Un bébé. Un décès. On cherche quelqu’un qui a un rendez-vous chez le médecin et qui ne s’est pas présenté : on le demande à la FM!
« Est-ce que Joe Snowball peut se rendre à la clinique S.V.P. » Mais Joe est parti à la chasse. Il va se trouver quelqu'un pour appeler l'infirmière et le lui dire (si ce n'est pas carrément en passant par la radio que l'infirmière apprend que Joe est à la chasse, avec qui il est parti, qu'est-ce qu'il a apporté comme réserve de munition, qu'est-ce qu'il s'attend à chasser et puis quand il compte revenir!).
Les nouvelles, les potins locaux, les annonces, demander pardon pour une inconduite... Tout est connu et discuté. Des fois, j'entends pleurer sans trop oser demander pourquoi. Quand ça chante "live", je demande une traduction. C’est généralement l'anniversaire de quelqu'un. Dans le temps des Fêtes, appeler les FM des autres communautés pour disperser publiquement les bons vœux à la famille élargie, c’est une activité consacrée.
La FM, c’est comme un gros interphone à la grandeur de la ville. On annonce, on appelle, on commente, on critique, on répète. Le téléphone-arabe, Inuit. C'est l'environnement sonore, le bruit de fond, la musique locale.
Informations et divertissements, la FM : dans d’autres villages, mais pas dans celui où je suis, il y a même le Bingo qui se joue à la radio. On achète les cartes au magasin local; on écoute les numéros tirés, chacun chez soi. Puis, au lieu de crier Bingo, on appelle à la FM pour réclamer son prix, cadeaux qui quelques fois peuvent être substantiels! On a joué pour un Pick up à Kuujjuak cet été!
J’imagine que toutes les familles ici ont le numéro de téléphone de la FM sur « speed dial ».
Hum… photo de radio à mettre sur mon blogue? Je ne sais pas comment illustrer la chose. Je vais mettre ma sœur, photographe de sa profession, en visite à Quaqtaq depuis lundi, sur la question. C’est à suivre!
4 commentaires:
Bonjour Marie,
Quelle belle idée que ce FM, il ne semble pas l'affaire de bénévoles. Est-ce qu'il émet 24 heures par jour?
J'ai aussi une autre question: Est-ce que tu vas changer le nom du blog pour "Aboumrads dans le Nord" ou "Aboumrad's dans le Nord" pour les prochaines semaines?
Salutations,
le bonjour à ta soeur.
24 heures sur 24, t'es drôle Père!!
Ici, c'est le monde où le seul magasin général ferme sur l'heure du lunch, sans compter qu'il est complètement vérouillé toute la journée dimanche. Avant que quoi que ce soit roule 24 heures sur 24 à Quaqtaq, il va falloir :
1) un changement de mentalité profond.
2) Pas mal plus de main d'oeuvre!
Mais tu as raison, quand notre annonceur local (professionnel et rémunéré) ne travaille pas, on nous retransmet Radio-Canada!
La blogosphère sera bien moins intéressante quand tu seras de retour dans le sud!
Une question: J'imagine que le commerce de la drogue doit être pas mal le seul à fonctionner 24h/24. Comment font-il pour s'approvisionner? Est-ce que les pushers sont connus de tous? Si oui, cela doit créer des relations particulières avec la police locale. Ont-ils un statut spécial? Et en parlant de police, à quoi ressemblent les forces de l'ordre?
En Gaspésie, j'avais déjà entendu un poste de radio qui ressemblait à ça. "M. Gilles Thibodeau a oublié ses lunettes à la bibliothèque de Percé".
Un peu weird, mais pourquoi pas au fond...
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