jeudi 30 avril 2009

Épisode 42 Cette semaine, un peu de politique

Lettre (à peine modifiée pour les besoins de mon blogue!) envoyée à Madame la ministre de l’Éducation,

Madame,

Dans « l'entretien : les solutions de Michelle Courchesne » (L’Actualité, avril 2009), vous mentionnez la nouvelle possibilité de faire une maîtrise en enseignement au secondaire pour recycler des détenteurs de bacs en enseignants. Vous précisez que cette maîtrise représente 2 ans d'études. Pour un individu qui veut se devenir en prof au secondaire après un bac, ça n’est pas si difficile, selon ce que vous dites. C’est deux ans.

Ce que vous ne dites pas c'est qu’il est impossible faire cette maîtrise si facilement et à temps complet : pour être admis dans ces programmes de maîtrise qualifiante, un candidat doit déjà "avoir un lien d'embauche" dans le milieu de l'éducation. Les étudiants recrutés sont déjà des enseignants en poste, des professionnels non reconnus comme tels qui œuvrent dans les écoles et qui ont déjà accepté les responsabilités d’éducateurs auprès des jeunes. Dans le jargon, nous sommes des « Non légalement qualifiés » (NLQ), des mercenaires qui bouchent des trous dans les écoles en manque de profs. Déjà, la nouvelle maîtrise ne transforme donc pas n’importe quel bachelier en enseignant.

Le programme de maîtrise qualifiante ne tient pourtant que très peu compte de cette formation sur le tas. Elle compte 60 crédits (contre 45 pour une maîtrise habituellement) et impose une conciliation travail-étude peu banale qui s'étire dans les faits sur de très longues années.

Ce programme, je m’y suis personnellement engagée avec un bagage universitaire important et une bonne expérience d’enseignante. J’ai aussi décidé de sacrifier toute vie sociale et familiale pour m’y consacrer et obtenir le brevet. Malgré tout, je ne pense pas être en mesure de terminer le programme en moins de trois ans, au prix de combien d’efforts, de soirs et de fins de semaines, de temps que je ne consacre pas à mon travail et à mes élèves comme j’aimerais le faire! Beaucoup de mes pairs étudiants se plaignent, comme moi, de la lourdeur des démarches pour satisfaire toutes les exigences, pour avoir légitimement le droit de faire le métier que nous faisons déjà.

Je suis heureuse qu’une maîtrise qualifiante existe : j’aime mon métier d’enseignante, j’aspire à le pratiquer légitimement! Les besoins dans certaines disciplines et dans certaines régions du Québec, sont criants. Mais, pour un NLQ, qui a la possibilité de continuer à travailler (parce ce n’est pas le travail qui manque!) ou celle de continuer à travailler ET faire en même temps une maîtrise excessivement exigeante qui prend minimalement 3 ans, est-ce que vous vous attendez à ce que les 2345 enseignants tolérés sans permis en 2007-2008* prennent cette décision de haute voltige? Dans tous les cas, les universités (UdeS et UdeM+UQÀM) qui offrent le programme n’ont même pas la capacité d’accueillir 15% de ce nombre…

Et qu’en est-il d’un bachelier, par ailleurs cultivé et dévoué, qui découvre sur le tard qu’il serait intéressé par l’enseignement? Doit-il se chercher un contrat dans une école, commencer à enseigner volontairement sans filet pour avoir la possibilité peut-être d’être admis dans la maîtrise en enseignement? C’est aberrant! Reste que c'est la seule possibilité ou on l'oblige à faire le bac de 4 ans. L'évaluation coût-bénéfice d'un tel retour au premier cycle, avec déjà une formation universitaire en poche, reste rebutante pour plusieurs...

Je me demande en quoi est-ce que cette nouvelle maîtrise qualifiante est réellement significative dans le bassin d’enseignants brevetés prêts à aller en classe avec nos jeunes. En quoi répéter sur toutes les tribunes que cette maîtrise existe va faire en sorte de motiver de nouveaux enseignants potentiels à s’embarquer dans le défi de l’éducation?

Je pose la question! Parce que le problème de pénurie d’enseignants, c’est là qu’il se trouve.

Salutations,

Marie Aboumrad,
Biologiste, bachelière en STS et enseignante de science et de technologie au secondaire,
Quaqtaq, Québec.

*Allard, M. (2008). Le nombre de profs sans permis explose. In La Presse, édition du 6 octobre 2008. Document téléaccessible à l'adresse : <http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/200810/05/01-26653-le-nombre-de-profs-sans-permis-explose.php>. Consulté le 27 avril 2009.
La direction des communications du MELS consultée par téléphone aujourd'hui n'avait pas de chiffres plus récents à diffuser.

2 commentaires:

Elias a dit...

Commentaire sur deux tons (ton sur ton)

Bonjour Marie,

Quel dommage que tu écrives sous l'effet de la colère, ton style s'en ressent. Ça ne coule pas mais on sautille d'une pointe de colère à l'autre. Une personne fâchée ni ne raisonne bien, ni ne formule bien ses idées mal ficelées et généralement elle ne marque qu'un seul point celui d'affirmer sa colère.

La ministre ne va pas lire ton texte, tout au plus un stagiaire du ministère de l'éducation va cocher une entrée dans la colonne "désapprouve" du formulaire des "Statistiques sur l'acceptation du programme: Maîtrise en enseignement au secondaire pour les détenteurs de baccalauréats"

Tu vas cependant recevoir une réponse de la part de la ministre selon le gabarit F-412-ASX-777-RLT (RLT est pour Réponse à une Lettre Négative) remplie par un stagiaire qui en est à son deuxième stage au ministère, ce qui l'autorise à écrire un nom et une adresse dans le formulaire sus-mentionné.

Bonjour Marie,

Tu fais bien de montrer ton désaccord à un programme concocté et mis en application à la hâte pour la seule raison de montrer que le ministère de l'éducation s'active à résorber le manque d'enseignants dans nos écoles. Tu démontres bien que le programme n'est pas mûr. Comme certaines assurance dont la capitalisation se fait par la formule "pay as you go", ce programme se construit sur le tas au dépend de ses premiers adhérents.

Ton intervention va sûrement trouver un écho chez les responsables qui vont l'adapter (ou en faire un autre) pour qu'un diplôme universitaire accélère véritablement l'obtention d'un brevet d'enseignant.

Félicitations.

Catherine P-C a dit...

Merci Marie de ton implication sur ce sujet qui nous concerne tous. Des avis sensés et bien exprimés comme le tien font avancer les choses.