Pas d’arbre, sauf un : l’arbre généalogique. La saison de croissance de cet arbre géant étant de 365 jours par année, il se porte à merveille!
L’éducation sexuelle, au Nord, c’est pas le sujet le plus populaire même s’il y a de très belles initiatives. Beaucoup de campagnes d’informations émanent de la Direction de la santé publique. Il y a aussi des initiatives personnelles. Dans cette catégorie, j’admire beaucoup ma collègue Erin, enseignante au secondaire anglophone de mon école. Elle a organisé une activité d’une demi-journée, juste pour les adolescentes du village, pour parler du plaisir, du désir, de la grossesse, des problèmes et des infections associées à une vie sexuelle active. J’ai pas pris de photos, vous comprendrez que c’était plutôt délicat comme situation : il fallait faire régner un climat de confiance pour jaser sexe. Mais durant ce samedi après-midi là, j’avais la responsabilité de faire une conférence sur la contraception. C’était pour moi un sujet tout indiqué, j’ai toute une crédibilité en la matière! Et non, ça ne vient pas de mes années d’études en biologie ni de mon expérience d’animation de cours sur la sexualité et la puberté. Ma crédibilité me provient tout simplement du fait que j’ai 30 ans et que je n’ai pas d’enfant! Je passe pour la fille qui s’y connaît en la matière… sinon (c’est tout à fait évident!) j’aurais autour de moi 4 ou 5 marmots à l’heure où l’on se parle !
L’éducation sexuelle est, malgré tout, plutôt minime, surtout lorsque comparée à l'immense accès à l'éducation porno qu'Internet fourni sans aucune considération de santé publique. Il y a une réticence certaine à se procurer des moyens de contraception, dans une communauté ou tout se sait. Ajoutons à ça une quantité indéterminée d’alcool (qui fait facilement oublier le plus élémentaire des condoms, ici comme ailleurs), le peu d’occasions de profiter calmement de l’intimité (les maisons des Inuit sont surpeuplées), certaines propensions à la violence sexuelle (dont il ne faut surtout pas parler)… et l’expression planning familial n’a aucun sens ici. Une grossesse, ça ne se planifie pas souvent; ça arrive, c’est tout. C’est naturel ! Sur 350 personnes dans le village, on compte présentement 11 femmes enceintes à Quaqtaq. 11. Dont deux élèves du secondaire.
L’avortement n’est pas chose courante. Il n’est, de toute façon, pas cautionné par l’église évangéliste qui a beaucoup de poids chez les Inuit. Il n’est pas non plus pratiqué dans les CLSC des villages : il faut se rendre à un des deux hôpitaux du Nord, voire à Montréal, ce qui limite la supposée confidentialité de cette procédure médicale.
Et, surtout, il reste valorisé pour une jeune femme, ici, de porter un enfant. Si celle-ci n’est pas en mesure de s’en occuper, de fonder une famille avec son amoureux, c’est pas grave! L’adoption est chose courante. Presque banale. Ça rend l'arbre généalogique très difficile à suivre!
Le village grouille d’enfants. Le village grouille aussi d’infections transmissibles sexuellement. Les deux vont de paire!
De bébé en bébé, l’arbre se développe; il y a des branches là où on n’en imaginerait pas nécessairement. C’est beau, c’est plein d’espoir. Plein d’espoir pour la communauté. Mais, sur le plan individuel, pour mon élève de 18 ans, en secondaire 3, toute contente de son bedon rond, je me pose la question quant à la scolarité de la jeune maman. Entre une couche et un biberon, entre une querelle de jeune amoureux et une nouvelle grossesse qui lui tombera dessus comme un deuxième (troisième… et sûrement septième) coup du destin, qu’en est-il de l’émancipation de la femme inuit?
8 mars, jour de la femme.
2 commentaires:
Merci pour ce billet, tout en subtilité...
Très belle entrée en matière avec une touche poétique. La sociologue en toi est à l'oeuvre :)
Publier un commentaire