jeudi 14 mai 2009

Épisode 44 On ne peut pas sauter la clôture quand y’a pas de clôture


J’ai travaillé, les deux dernières années, à l’école André-Laurendeau de St-Hubert sur la Rive-Sud de Montréal. Quand je m’imagine le matin, devant l’immense école dans la brume, j’ai d’abord en tête des images d’autobus scolaires. Des hardes d’autobus scolaires. Tout plein de petites chenilles jaunes qui se suivent, pare-chocs avant contre pare-chocs arrière, en attendant de pouvoir entrer le territoire de l’école et déverser leurs centaines d’adolescents à peine réveillés. Tous les matins, avec une régularité d’horloger. Une fois dans l’autobus scolaire, les élèves sont transportés loin de chez eux, confinés dans un espace indiqué par des clôtures, captifs à cause de la distance. Ils sont obligés de fréquenter l’école, au risque d’avoir à assumer la responsabilité de retrouver leur chemin en transport en commun…

C’est très différent au Nord, surtout dans un petit village comme Quaqtaq.

Le village compte une cinquantaine de bâtiments, tous très proches les uns des autres. On fait le tour complet du village en moins de 15 minutes à pied. Et l’école est en plein milieu.

Cette proximité offre certains avantages :
- T’as oublié la feuille que j’ai demandé de faire signer par tes parents? Retourne la chercher à la maison.
- Il n’y a pas de cours d’éducation physique? Pas de suppléant aujourd’hui? À la maison! Revenez plus tard. (Ouais… on imagine facilement que certains ne reviendront pas…)

Nulle part il n’y a de clôture. Le territoire n’est pas divisé. Ici, ce n’est pas le terrain de la Coop : c’est le village. Là, c’est pas plus chez le voisin que chez toi : c’est dehors. De dire que l’école commence ici et se termine là, qu’à l’intérieur de frontières imaginaires les règles de vie sont différentes qu’ailleurs, ce n’est pas toujours évident à faire comprendre.

Ça se sent dans la « cours d’école ». Il faut constamment répéter aux enfants que, pendant la récréation du primaire, pour des raisons de législations scolaires, on se doit de rester à l’intérieur d'un certain perimetre de neige... Il est encore mois évident de demander à des ados du secondaire de fumer à un endroit spécifique dans un rayon invisible de 2m. du poteau d’Hydro. Parce qu’ailleurs, dans l’immensité du dehors du terrain de l’école, c’est non-fumeur!

En additionnant les avantages de la proximité de tous les bâtiments et l’absence de frontières entre ceux-ci, les allers et venues des élèves sont quelques fois difficiles à gérer. Les élèves arrivent à n’importe quelle heure de la matinée. Ils choisissent de ne pas aller à certains cours en quittant simplement l’école entre deux périodes : la maison est toute proche. Ils peuvent aussi quitter en plein milieu d’une leçon « Boring », il n’y a pas de clôture, physique ou symbolique, qui les en empêchent. C’est une vie de village assez particulière. Dans combien d’autres villages, de tous petits villages, étendus sur des kilomètres de vide et de terres cultivées, les élèves sont dépendants de leur véhicule jaune. Pas ici.

Nous avons tout de même un autobus scolaire à Quaqtaq. Un minibus, haut sur pattes, quatre roues motrices. Super bolide. Son rôle est d’amener les élèves en sécurité à l’école, surtout les plus jeunes. Mais il ne sert pas d’instrument d’apprentissage de la routine scolaire. Il sillonne le village sans itinéraire précis, sans minutage serré. Passant devant l’école, il fait descendre les élèves avalés en route et il continue son chemin jusqu’à ce que la cloche sonne.

C’est quand même là que ça s’arrête. Il faut prendre l’autobus scolaire pour arriver à l’heure, au risque d’avoir à assumer la responsabilité de son retard, retard souvent impuni pour des raisons de difficulté à concevoir les frontières.

4 commentaires:

Elaine B. a dit...

Mon école secondaire se trouvait à 40 minutes de chez moi. Lorsque je manquais l'autobus qui passait me prendre devant la maison, je devais appeler mon père au travail....

Je n'ai pas souvent manqué l'autobus.

Elias a dit...

Bonjour Marie,

Toute une surprise que l'autobus scolaire, vraiment je ne l'attendais pas. Il a l'air super neuf en plus.

J'ai voulu rechercher le sujet un peu, alors j'ai image-googlé "quaqtaq autobus scolaire" (scusez le français) et il y avait 11 références à ton blog sur la première page affichée! Google est saturé!

Salutations

Anonyme a dit...

Salut Mme Aboumrad!

Ah, cet article me fait penser : Je ne prends plus l'autobus le matin ; je marche. C'est bien plus chouette de passer par le parc que de rester enfermé dans la ''chenille jaune''!

Demain matin, nous nous levons tous à 4:30 du matin afin d'aller au Festival des Harmonies de Sherbrooke. Ce sera moins amusant cette fois, car vous ne serez pas là. On va tout de même essyer de faire de notre mieux, pour le meilleur et pour le pire! Si vous voulez, je vous direz quelle mention on a eu!

Attention à vous in the North!
-Jolianne Landry

Anonyme a dit...

Cette proximité et ce qui en découle titille les esprits. Voilà bien une chose que l'on croyait appartenir au passé. Et pourtant...

Accent Grave