jeudi 15 janvier 2009

Épisode 27 Import-export


- Dans quel village seriez-vous prête à travailler comme enseignante, Mme Aboumrad?

Wow, la question en entrevue! Faut pas se tromper… Diplomatie et délicatesse.

- Ben… j’aimerais bien travailler n’importe où… Sauf à Kuujjuaq. (Je regarde les visages des trois directeurs devant moi, OK…je continue) Parce que Kuujjuaq, c’est le centre administratif, c’est la métropole! Hey, 2000 personnes, c’est gros! C’est là que tous les avions arrêtent et qu’on a toujours quelques heures pour visiter entre un vol de First Air et d’Air Inuit. C’est là qu’on a une semaine de formation au début de l’année scolaire. Si je travaille dans un autre village, n’importe quel autre village, je vais connaître ce village ET Kuujjuaq, c'est l'avantage que je vois.

Ffffffffiou, j’ai eu à penser vite, mais j’ai été très fière de la formulation de ma réponse. Elle était sincère. Mais je l’ai tronquée du reste de mon raisonnement : je veux aller dans le plus petit des villages pour avoir un blogue exotique et des histoires extrêmes à conter à mon filleul quand il sera en âge de comprendre. Maintenant, tout l’univers est au courant, mais au moment de l’entrevue initiale, j’ai passé ces petits détails (très peu professionnels) sous silence!

- Alors vous seriez prête à travailler à Quaqtaq? On parle de quelque 300 âmes, moins de 30 élèves au secondaire, anglais et français confondus. Petit. Moins de ressources qu’à Kuujjuaq, vous en êtes consciente? Ça vous va? Oui? C’est bon! Le village est accueillant et il y a une piscine!

Rares sont les villages nordiques avec une telle installation. Et on m’a vendu la place PAR sa piscine. Je ne dis pas non! Première chose, quand on m’a embauchée à la commission scolaire et qu’on m’a dit que j’irai effectivement à Quaqtaq, dans ma boîte de déménagement : mon maillot.

On a une piscine, oui. Sauf qu’on n’a pas de sauveteur certifié dans la communauté. Question assurences et sécurité, il faut un life guard officiel dans une piscine publique. Aucun inuit au village n'a cette formation pour l'instant.

Alors, pour le moment donc, comme l’épicerie, les matériaux de construction, les policiers, les enseignants et les infirmiers, les life guards, faut les importer.

Une première était déjà en poste lors de mon arrivée. Lors de ma première soirée à Quaqtaq, je suis allée à l’aquaforme. Proche de la maison, vous dites? Difficile d’avoir plus proche en fait! (Photo : Ma maison et la piscine municipale! J’y vais, pieds nus dans mes bottes Sorel!)

Mais la jeune fille n’appréciait pas la vie nordique. Elle est donc partie, dans le même avion que son cargo, exportés vers le Sud. La piscine a été fermée. Pas de permission spéciale pour les enseignantes, la policière et l’infirmière motivées à faire de l’aquaforme, même si notre infirmière du moment a déjà fait partie de l’équipe canadienne de natation et est plus que qualifiée pour nous ramener à la vie en cas d’accident. (Il faut savoir que les infirmières du Nord sont vraiment des spécialistes de la médecine de brousse qui ont tout vu, même l’impensable). C’est compréhensible que la ville ne donne de permission spéciale à qui que ce soit. C’est d’autant plus compréhensible que la personne embauchée pour habituellement sauver les noyés est aussi responsable de l’entretien de l’eau et des installations sur une base quotidienne. Pas de maître nageur, pas de piscine, point final.

Puis on a importé Raphaëlle qui est venue à la fin octobre. Aquaforme 3 fois par semaine! Problème de chauffe-eau (qui ne chauffait pas assez), quelques fois, j’étais seule dans la piscine à faire la grenouille. Pour un entraînement de mon équipe de Toundra au trot (course cross country), je leur ai fait faire une séance d’endurance dans l’eau. Un cours de sciences physiques sur la notion de débit? À la piscine! Avec un taux record de présence en « classe »!

Mais à Noël, Raphaëlle est descendue au Sud et n’est pas revenue. Auto-exportée ailleurs.

Conclusion, plus de piscine à Quaqtaq, encore.

C’est dommage, la piscine est un lieu de rassemblement, des jeunes et des ados surtout, une activité à faire, un passe-temps sympathique et relaxant; le Spa placé sur le côté de la piscine aidant! Il y a peu de temps, je ne comprenais pas mes amis qui en ont un dans leur cours arrière de banlieue, les croyant pas efficaces dans leurs dépenses d’énergie et d’argent. Ouais… Un Spa qu’il faut importer de l’autre bout de l’univers industriel et qu’il faut maintenir 600C au dessus de la température extérieure pour être confortable, c’est encore plus drôle dans l’échelle de l’inefficacité énergétique! Mais, c’est que c’est agréable après une journée d’enseignement, le Spa… envahi… par… mes… élèves... Finalement, pas si reposant que ça, le Spa!

C'est quand même vrai que Kuujjuaq a certains avantages, comme celui de se perdre un peu dans la foule, la fin de la journée scolaire venue!

3 commentaires:

Elias a dit...

Tu parles comme si tu étais une enfant de la toundra. Ton Import a donné lieu à une symbiose totale!!

Anonyme a dit...

Tes 3 ami(e)s de la banlieue te souhaite un bon retour en classe et te rapelle que tu es toujours la bienvenue à ton retour... pour un plongeon dans le spa, peut-être énergivore, mais au combien relaxant.... On t'aime et on pense à toi très souvent....

Sylvain, laurence et Marie-Pier

Anonyme a dit...

Bonjour Marie
J'ai lu avec attention tout le contenu de ton blog. Je suis bien contente d'y voir mes anciens élèves. Tu sembles aimer ce que travaille. Dominic,Xavier,Catherine,Jill doivent être tes collèques de travail. J'ai bien appréciée travailler avec eux ainsi que Rhoda et plusieurs autres prof inuites. Bonne semaine Luce Audet